Note: Voici une introduction a l'economie indienne qui ne se veut pas exhaustive. Des articles specialises suivront ainsi qu'une conclusion sur l'economie indienne qui elle se voudra plus complete; le temps pour moi d'approfondir ma connaissance du pays. Bonne lecture.
Si la croissance indienne n’est pas celle que connaît la Chine, elle n’en est pas moins impressionnante : ces dernières années, elle tournait autour de 7% par an. C’est surtout beaucoup mieux depuis les années 90. Cela s’explique par des raisons historiques : l’indépendance de l’Inde avait en effet provoqué un grand sursaut protectionniste et nationaliste qui avait abouti à une économie planifiée. L’Etat encadrait l’économie et favorisait le développement de grandes entreprises publiques sur des marchés protégés de toute concurrence internationale. Cette politique de la troisième voie fut rétrospectivement un échec ; la croissance du pays des années 50 à 70 fut inférieure à celle des pays développés. Quelques éléments modernisateurs réussirent au cours du temps à faire passer des réformes modernisatrices – par exemple la révolution verte dans l’agriculture qui améliora la productivité agricole- mais l’économie resta une économie planifiée jusqu’à l’écroulement des régimes soviétiques. Un premier vent de libéralisation intervint au début des années 90 sous l’impulsion notamment d’un homme qui n’est autre que le premier ministre actuel, Manmohan Singh. Cette ouverture au commerce international permit l’entrée des premiers capitaux étrangers et fut concomitante aux premières grandes réussites indiennes à l’exportation. Malgré un changement notable de politique, l’économie indienne reste encore relativement fermée à l’étranger et les vestiges d’un passé socialisant demeurent.
Pour mieux comprendre ce qu’est l’économie indienne, divisons la en trois grands secteurs classiques :
Le secteur primaire ou l’agriculture ne contribue que peu à la richesse nationale (il représente environ ¼ du PIB) mais la population indienne reste encore majoritairement rurale. Les ¾ de la population vivent toujours dans la campagne ! Les revenus agricoles progressent moins du fait de l’amélioration de la productivité que de la qualité de la mousson. Certes les britanniques avaient déjà tenté de remédier à la parcellisation des terres indiennes et à leur faible rendement mais l’indépendance du pays a abouti à une redistribution des terres. Seule une grande politique nationale de modernisation dans les années 70 avaient permis une amélioration des rendements agricoles mais depuis cette époque, la progression des revenus paysans est restée faible. Pourquoi ? Car l’agriculture relève plus du domaine politique qu’économique : moderniser le système reviendrait à rationaliser les terres au risque de déposséder une grande partie de l’électorat. Reste une manière de s’en sortir : le recours aux OGMs. Pour donner un exemple, les rendements de cotons ont cru de 50% en une année dans les zones où les OGMs ont été utilisées. En somme, aujourd’hui c’est le statut quo : L’Inde reste relativement autosuffisante mais la paysannerie reste pauvre. Cela ne devrait pas durer car le pays va être confronté à un challenge majeure au cours des 50 prochaines années : sa population pourrait être aménée à doubler d’ici là. La seule manière de nourrir ces nouvelles bouches sera alors d’améliorer les rendements agricoles. Le seul recours au OGMs ne sera peut être pas suffisant. La grande réforme agraire ne semble pas être la priorité actuelle des gouvernements.
L’industrie indienne est très diverse. L’autarcie dans laquelle le pays a vécu pendant de nombreuses années a abouti à la création d’entreprises dans tous les domaines économiques. Dans l’industrie lourde (pétrole, sidérurgie..) ce sont majoritairement des grandes entreprises publiques souvent inefficientes et tournées vers un marché intérieur qui est protégé de toute concurrence internationale. Dans l’industrie légère, des grands conglomérats (Tata, Reliance) ont émergé parallèlement au développement des petites structures familiales historiques, notamment dans le textile. Souvent ces groupes ont passé des partenariats avec des entreprises étrangères pour produire localement des produits conçus ailleurs. L’impression qui s’en dégage est que chaque entreprise s’est constituée une niche de marché et conserve un monopole dessus. La concurrence y est faible et la rentabilité bonne. C’est vrai généralement partout à l’exception du textile ou peu de grands groupes ont émergé et ou les toutes petites structures prédominent pour des raisons historiques. Reste enfin les entreprises à forte valeur ajoutée (par exemple dans la pharmacie), ayant été créées dans les années 90, qui sont tournées vers l’export et qui sont remarquablement gérées. Les indiens disent que si ces dernières ont pu être créées, c’est parce que l’Etat ne comprenait rien à leur métier et n’y a pas mis son nez. Globalement, le point commun dans l’industrie est qu’elle reste extrêmement protégée de toute concurrence étrangère malgré des avantages comparatifs importants : des ingénieurs de qualité (près de 500 000 diplomés par an) et une main d’œuvre ouvrière très bon marché (un ouvrier est payé 100$ par mois). Reste que l’accès aux capitaux a longtemps été problématique. La croissance de la production industrielle dependra avant tout de l’ouverture aux capitaux étrangers.
Le secteur des services est aussi en pleine mutation. Le service est d’ailleurs un concept tout à fait indien. Tout fait un service à en croire les bakshichs que je donne ! Plus sérieusement, là encore, les structures archaiques cohabitent avec des sociétés dans les plus modernes du monde. La grande distribution est inexistante. Le secteur bancaire reste encore anecdotique. L’assurance est réservée à une classe sociale ultra minoritaire…Il y a cependant des points forts tels que l’informatique et les nombreuses sociétés de service (Infosys, Satyam, TCS). Reste que ces petites choses cumulées représentent tout de même 55% du PIB de l’Inde. N’oublions pas que nous sommes dans une petite économie !
Une autre manière d’analyser une économie d’un pays est de regarder les grands postes, c’est à dire la consommation, l’investissement et la dépense publique. Commençons par la dépense publique : elle est extrêmement faible pour une raison simple : l’Etat n’a pas de moyen. Ses recettes proviennent de droits de douanes prohibitifs -qui empêchent l’industrie d’acquérir des biens d’équipements à un prix compétitif-, d’une surtaxation des bénéfices -qui obligent à de nombreuses dérogations- et de quelques autres revenus fiscaux. Le problème est que les taxes sur les revenus pétroliers sont insuffisantes du fait d’un parc automobile modeste, que la TVA n’en est qu’à ses prémisses et que l’impôt sur le revenu ne concerne que 2% des indiens. A noter que c’est un bon gigantesque par rapport à il y a 10 ans (plutôt 0,5% alors). Donc l’Etat n’a pas d’argent, que cela soit au niveau national ou fédéral, et cela se ressent dans le manque pregnant d’infrastructure : les aéroports sont saturés, les chemins de fer inefficients, et il n’existe pas de réseau autoroutier digne de ce nom. La conséquence de ce manque d’infrastructure se déduit au niveau géographique. L’Inde se développe autour de grands centres urbains (Delhi, Bombay, Bangalore) qui communiquent peu entre eux.
La consommation tire l’économie mais n’est pas un catalyseur à cour terme. Quelques chiffres : le PIB par habitant est de 700$ par an soit le trentième d’un français. 1/3 des indiens souffrent de malnutrition. La population croit de 2% par an. Dans ces conditions, tout gain de salaire correspond à une dépense alimentaire ou hygiénique. Le problème majeur est le manque d’épargne. Hormis une petite minorité, la très grande majorité des indiens n’a ni les moyens ni l’opportunité d’épargner. Financer l’investissement est alors compliqué.
L’investissement manque donc cruellement. Certes on a vu la naissance d’un capitalisme familiale mais il est quasiment impossible pour un indien lambda de monter une entreprise et de la développer avec le seul concours des banques. La seule solution : le recours à l’investissement étranger. Par chauvinisme peut être, l’état indien l’a longtemps refusé. L’Inde aujourd’hui attire 20 fois moins de capitaux (seulement 3MM$ par an) que la Chine. Mais progressivement il l’autorise secteur après secteur. Ce point est important, car je crois que si les règles du jeu changent et favorisent les IDEs, l’économie indienne peut connaître un boom comparable à celui de la Chine.
En conclusion, notons que l’Inde a depuis son indépendance souffert de trois grands problèmes : -
Un problème idéologique. La volonté d’indépendance économique, de non alignement politique a abouti à une économie fermée du reste du monde, faiblement compétitive et produisant une croissance faible.
L’instabilité politique, la corruption, les séparatismes divers et les frictions communautaires dans cette démocratie d’un milliards d’individus ont détourné les pouvoirs publics des problèmes économiques.
La croissance naturelle est ingérable. En 50 ans, la population de ce pays a doublé de taille. Toute politique de limitation des naissances a été un échec. Cela tire peut être une partie de la croissance économique mais empêche toute thésaurisation et enrichissement des ménages. Cela a freiné aussi tout gain de productivité : il fallait donner du travail aux nouveaux arrivants au détriment de l’amélioration des revenus par tête.
A l’observer au jour le jour, deux de ces trois problèmes pourraient être en passe d’être réglé : une plus grande stabilisation politique et une ouverture sur le monde devraient permettre à l’économie indienne d’afficher des taux de croissance élevés ces prochaines années. Le défi démographique reste mais l’économie indienne se développe autour d’un certains nombres de pôles urbains qui font fi de s’intéresser à ce qu’il se passe dans le reste de l’Inde.
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