Bharti Televentures est l’opérateur GSM leader dans le secteur de la téléphonie mobile. Leader, c’est un bien grand mot car avec 22% de parts de marché, il est talonné de près par l’opérateur public BSNL et le conglomérat Reliance. Reste que c’est une très belle entreprise gérée par un staff compétent et avec un service investisseur humble et disponible.
L’entreprise est majoritairement détenue par une holding qui regroupe l’opérateur phare en Asie du Sud est, Singtel et la famille Mittal. Vodafone a renforcé récemment sa participation à 10%. On ne connaît pas ses intentions.
Le modèle de l’entreprise est intéressant car il est devenu de moins en moins capitalistique. Le groupe externalise ses services informatiques auprès d’IBM, ses call centers auprès d’opérateurs locaux et l’installation et la maintenance de son réseau auprès de Siemens et Nokia. Bharti a même développé un accord spécial avec ces équipementiers qui lui permet de payer ses équipements à mesure de leur utilisation et donc de concentrer son cash sur l’obtention de nouveaux clients. C’est en somme une entreprise de marketing qui vend de la minute de téléphonie par carte ou abonnements. Les abonnements représentent aujourd’hui moins de 20% des utilisateurs, ce qui est un taux bas mais caractéristique d’un pays émergent comme l’Inde. Ce taux devrait continuer à baisser à mesure que la population d’utilisateurs s’élargit vers des couches moins aisées. Sur les nouveaux utilisateurs sur le dernier trimestre, 93% étaient des nouveaux souscripteurs de cartes prépayées. Ce fort taux de non abonnées ne signifie cependant pas que les utilisateurs peuvent facilement changer d’opérateur, car un numéro leur est attaché et leur cellulaire est bloqué sur les cartes SIM de l’opérateur. C’est le même système qu’en France. Une des rares différences est le nouveau forfait de connexion à vie qui permet d’acheter un portable à 2400 roupies et de pouvoir recevoir des appels à vie, tout en rechargeant son portable au gré de l’utilisateur. Ce système, lancé depuis décembre 2005, permet d’améliorer encore la fidélité de la clientèle.
Le groupe profite d’un marché en forte croissance. Sa stratégie est plutôt orientée vers le maintien de sa profitabilité tout en réussissant à conserver ses parts de marché. Sur le mois de décembre 05, sur 4,5 millions de nouveaux utilisateurs en Inde, le groupe en a recueilli près d’un million, soit proche de sa part de marché de 22%. Parallèlement, la profitabilité de l’entreprise n’a pas baissé ; la marge brute (EBITDA/CA) reste stable à un peu plus de 37% Cela signifie que malgré la baisse du prix des communications, le groupe baisse tout autant ses coûts. Autrement dit, l’acquisition de nouveau client se fait à un coût plus faible. La stratégie actuelle du groupe est similaire aux autres opérateurs ; elle consiste à faire du lobbying auprès du gouvernement pour qu’ils baisse le coût des licences et de l’ADC (voir article précédent). L’idée est que les prix déclineront d’autant permettant l’obtention d’une nouvelle clientèle sans lancer pour autant de guerre des prix. Le groupe profite du faible coût actuel du capital et d’un modèle d’entreprise moins intense en capital pour investir fortement (1,2 MM$ sur l’année en cours et 1,5MM sur l’année prochaine) et doubler en moins de deux ans sa couverture. D’ici 2007, le groupe devrait avoir une couverture efficiente (suffisante) du pays.
Finalement, notons que Bharti est aussi présent dans le domaine du Broadband (téléphonie fixe et ADSL) orienté principalement sur un nombre restreint de sociétés privés et sur les services aux entreprises en matière de téléphonie (par exemple l’externalisation auprès du groupe de la gestion des services de télécommunications du département des impôts en Inde). Ces autres métiers s’instruisent dans une stratégie de convergence du groupe mais restent marginaux.
Quelques chiffres sur le groupes :
Les derniers résultats :
Le troisième trimestre de l’année fiscale 2006 a été publié. Les chiffres sont toujours records : sur les 9 derniers mois, le nombre d’utilisateurs a cru de 65% à 16,3 millions, le chiffre d’affaire a cru de 45%, la marge brute d’exploitation reste stable autour de 37% et le résultat net progresse de 52%. Rien à dire, c’est impressionnant !
Les résultats publiés et les perspectives :
Sur l’exercice clos en mars 2005, Bharti a réalisé un chiffre d’affaires de 80 milliards de roupies (divisez par 50 pour avoir l’équivalent euro), pour un résultat net de 15MM. Soit une marge proche de 20%, ce qui est élevé pour un groupe de télécoms en phase de croissance. Le cash flow du groupe a été de près de 33MM pour des investissements de plus de 42MM. Le groupe est donc encore en situation de free cash flows négatif (il doit chercher chaque année du cash pour financer sa croissance).
Sur l’exercice qui devrait clore en mars de cette année, le CA pourrait atteindre 118MM et le résultat net être proche de 24MM. On attend un cash flow de 39MM pour des investissements aussi en hausse à près de 50MM. On s’attend à ce que le groupe dégage son premier free cash flow l’année prochaine, ce qui est loin d’être fait.
La valorisation du groupe est chère :
Bharti vaut 43 fois ses bénéfices publiés, 28 fois ses résultats au 31 mars 2006 et près de 20 fois ses résultats prévus pour l’année suivante. Cela n'apparait pas si cher si l'on considere la croissance de pres de 50% des benefices par an, reste qu'il ne faut pas oublier le taux d’imposition très bas du groupe du fait de forts investissements.
Sa capitalisation était à fin janvier d’environ 660 milliards de roupies soit environ 15 milliards de $. C’est élevé pour un groupe qui ne dégage pas de Free cash flows. L’idée est qu’après une période de forts investissements, le groupe dès 2008 devrait dégager beaucoup de cash. Disons qu’alors il dégage près de 2MM de cash flows, et réduit ses investissements par deux soit pour 800 millions $ d’investissements annuels. Il dégagerait 1,2MM$ de Free cash flows, qui actualisé à nos taux d’actualisation européen donnerait une capitalisation proche de ce qu’elle est actuellement. Le premier problème est que le taux d’actualisation choisi doit intégrer le risque du pays (et d’un changement de politique du gouvernement) qui est bien supérieur en Inde à ce qu’il est en France. Pour dire cela autrement, on valorise ce groupe comme s’il se développait dans un pays sûr comme la France et non dans un pays corrompu et compliqué comme l’Inde. Le deuxième problème est que l’attitude des opérateurs pourraient changer à mesure que la croissance déccélère ; on n’intègre pas non plus le risque futur de guerre des prix.
En conclusion, bien que je ne connaisse pas bien le marché indien, j’aurais tendance à penser que l’on peut faire un peu de trading sur la valeur, car les nouvelles sur les prochains mois pourraient être positives pour le secteur (changement de politique gouvernementale en la matière) mais au prix actuel et à considérer un investissement à long terme, je n’irai pas sur Bharti Televentures. Une belle valeur dont on reparlera certainement plus tard.
Ce qui est intéressant dans cette valeur est qu’elle semble représentative du marché indien : à court terme, le flot de nouvelles pourrait être positif mais une correction interviendra à un certain moment vu le prix élevé du marché qui n’intègre pas le risque tout aussi élevé du pays.
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