S’il est un nom qui est associé à l’Inde, c’est bien celui de Tata. Tata est ici partout ; voiture, électricité, acier, compagnie aérienne, thé, nucléaire, université…L’entreprise fait presque tout et s’il est des secteurs économiques où elle n’est pas présente, c’est qu’alors elle n’a pas été autorisée à l’être. Je vous propose donc un bref récit chronologique afin de mieux cerner un groupe au centre même du développement de la péninsule indienne.
Sachons tout d’abord que la famille Tata est parsi. Cela ne signifie pas grand chose pour vous si ce n’est en étudiant l’étymologie. Les parsis sont des zoroastres qui, il y a un peu plus de mille ans, lorsque l’Iran actuel a été islamisé, ont fui leur pays pour se réfugier en Inde. La légende voudrait qu’en arrivant par bateau vers les rivages du Gujarat, au nord Ouest de l’Inde, le roi de la région leur aurait envoyé un chaudron de lait, leur ordonnant parallèlement d’aller trouver refuge ailleurs. Les parsis lui auraient renvoyé le chaudron auquel ils rajoutèrent du sucre, expliquant à l’ambassadeur indien, que leur peuple se mélangera aux locaux comme le sucre avec le lait, et feront fructifier leur économie. Ce qui advint.
Les parsis sont une minorité active qui est longtemps restée exclusive à tout mélange mais a développé un sens entrepreneurial certain. Les indiens les surnomment « les juifs de l’Inde », pour mettre en valeur leur culture du commerce.
La famille Tata est donc parsi, ce qui selon certain expliquerait leur sens de la communauté, de la redistribution et leur transparence, qualités qui-il faut bien le dire- ne sont pas l’apanage de tout les indiens.
La saga familiale commence avec Jamsetji Tata, la figure patriarcale de la dynastie. Nous sommes vers 1887 et l’entrepreneur fait grossir sa petite usine textile en l’une des premières du pays. Ce n’est pas lui qui est à l’origine de l’essor du groupe mais sa personnalité a profondément marqué ses descendants. Son empreinte majeure : l’hôtel Taj Mahal qui surplombe le port de Bombay et qu’il aurait construit après s’être vu refusé l’entrée d’un palace réservé aux seuls européens. Reste que la figure de Jamsetji a marquée, car c’est elle qui a instituée les valeurs du groupe -la dévotion au pays, la transparence, l’aide à la communauté, le modernisme ou encore le non-recours à la corruption. L’homme a laissé une empreinte forte, car il aurait requis à l’aune de sa mort, trois devoirs à ses héritiers : fournir à l’Inde sa première université, sa première centrale hydro-électrique et sa première aciérie.
Ses héritiers sont au nombre de deux : d’une part son propre fils Sir Dorab et un lointain neveu portant le même patronyme qui avait su se faire remarquer du patriarche, Sir Ratanji. L’un et l’autre auront tout d’abord quelques difficultés à s’entendre mais à la mort de Jamsetji au début du siècle, ils se réconcilient pour mettre en pratique les grands desseins du fondateur de Tata Sons. Peu de temps avant la première guerre mondiale, ils implantent dans le pays la première aciérie d’Inde (Tata Steel ou Tisco en 1911) au nez même des anglais qui n’y croient d’abord pas, puis en reconnaissent l’utilité lorsque la guerre éclate et que la fourniture d’acier peut être alors réalisée sur place ! La guerre fait alors la fortune du groupe qui n’en oublie pas pour autant ses responsabilités patriotiques et récolte assez de fonds pour créer la première université technologique d’Inde : l’Indian Institute of Technology, d’où sortira pendant un siècle la majorité des cerveaux du pays et que certain compare aujourd’hui avec le MIT. Reste enfin le dernier rêve de Jamsetji ; la création d’une centrale hydroélectrique près de Bombay, qui annoncera les débuts de Tata Power, l’EDF local.
Durant le règne de Jamsetji, le neveu de ce premier, Sir Ratanji, ayant quelque mal à s’entendre avec le fils, décide de prendre de la distance et d’apprendre le français. Arrivé promptement en France, il tombe amoureux d’une demoiselle de notre pays, Suzanne, qu’il décide d’épouser et à qui il fera 5 enfants. Le premier garçon, JRD, passe alors une grande partie de son temps entre le lycée Janson de Sailly et la maison de campagne à Hardelot où il se lie d’amitié avec le fils de Louis Blériot avec qui il se passionne pour l’aéronautique. Après son service militaire en Algérie, il doit malheureusement renoncer à des études à Cambridge pour rentrer dans l’entreprise familiale à la mort de son père en 1925. Il est alors trop jeune pour prendre la tête du conglomérat mais a assez de latitude au sein de l’entreprise pour lancer une entreprise dans le métier dont il rêve depuis l’enfance : une compagnie aérienne. Cette compagnie dénommé au départ Tata Airline et réalisant à l’origine du transport postal, deviendra Air India. Il en restera président après sa nationalisation après l’indépendance.
En 1938, âgé alors de 34 ans, JRD Tata renonce à sa nationalité française et devient président de la maison mère qu’il présidera pendant près d’un demi-siècle. Sa grande qualité fut de dénicher des talents et de leur permettre de se développer au sein du groupe, créant ainsi de nombreux nouveaux métiers qui se révéleront des succès. C’est l’homme responsable du formidable essor du groupe : dans l’automobile, après avoir assemblé les premières locomotives du pays, il sort rapidement du secteur ferroviaire, jugé monopolistique, public et donc dangereux, pour se lancer dans la production de camion puis de véhicules particuliers. Il rachètera des actifs dans la chimie qu’il peinera à développer mais qui constitueront le premier complexe pétrochimique du pays. Dans le thé, après une joint venture avec un producteur étranger, il lancera Tata Tea, l’un des premiers producteurs mondiaux. En dehors même de l’économie son influence se fera sentir et l’homme a été prolixe : il est à l’origine du premier Plan indien, du laboratoire de physique qui permettra le développement du nucléaire indien, du premier Institut de management, du premier centre de planning familial ou de statistique démographique…
A la fin des années 80, JRD Tata se retire des affaires laissant la présidence du conglomérat à un petit neveu adoptif, Ratan Tata qui s’était fait remarqué en développant les activités technologiques du groupe (dans les services informatiques et les télécoms). Ce dernier est toujours le président en charge.
TATA AUJOURD’HUI :
Tata aujourd’hui c’est un conglomérat de près de 18MM$ (près de 3% du PIB indien), 215 000 employés et 32 entreprises cotées (93 entreprises au total). Le groupe a deux millions d’actionnaires.
Le groupe a deux maisons mère : Tata sons est la maison historique ; elle est détenue à 66% par la famille mais pour une part faible en direct contre la majeure partie par des fondations caritatives. Tata sons détient des participations directes dans la majorité des entreprises historiques de la galaxie Tata et 28,6% de Tata Industries. Tata industries détient de son côté, des participations dans des métiers à fort contenu technologique.
Quelques entreprises Tata :
TCS : le numéro 1 indien des services informatiques délocalisés, qui concurrence IBM comme Infosys.
Tata Steel and Iron (Tisco), le second aciériste du pays.
Tata Motors, le roi des camions et des cars, et le deuxième producteur de voiture du pays.
VSNL, un des leaders nationaux dans les télécoms fixes et mobiles (Tata Indicom)
Tata Chemicals, dans la chimie.
Tata Tea, dans la production et la distribution de thé.
Indian Hotels (la chaîne Taj Mahal)
Titan (n° 4 mondial des montres)
Ainsi qu’un grand nombre de sociétés moins connues (Voltas, Tata Infotech, Trent, Rallis, Tata teleservices…)
Commentaires : Nous aborderons quelques entreprises Tata au cours de notre périple. Reste qu’il est intéressant de comprendre l’esprit pionnier dans lequel ces entreprises ont été créés. Tata, c’est le type même d’entreprises que nous aimons dans notre société d’investissemen (www.dubly.fr ou www.douilhet.fr)t et pour lesquelles nous avons un a priori positif : une entreprise fer de lance et familiale qui récompense ses actionnaires mais a conscience de son rôle citoyen (amélioration des conditions de vie des salariés et des villageois…). Pour dire mon admiration, c’est un des rares groupes que je connais qui prend réellement en compte ses divers « stakeholders ».
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