Tata consulting services est une filiale du groupe Tata (qui en détient encore 79%) et la doyenne du secteur informatique indien puisqu’elle a été créée en 1968. Sur l’exercice fiscal 2004-2005, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 97,3 milliards de roupies, soit 2,2MM$, ce qui en fait la plus grande entreprise du secteur en Inde. Sa croissance est importante (+37% sur le dernier exercice) et restera forte vu les nombreuses opportunités de délocalisation dans l’informatique. Mais mécaniquement, il sera plus dur de trouver toujours plus de contrats pour maintenir ce niveau très élevé de croissance. Sa marge d’exploitation est de 27,6%, ce qui en fait une entreprise extrêmement rentable (du même niveau que son concurrent Infosys) et lui permet de financer sans difficulté sa croissance (sa dette est nulle). Sa marge nette est de plus de 24% !
Sur le dernier trimestre publié, la moindre croissance (+11%) s’explique plus par les aléas d’obtention de contrats que par une réduction de son potentiel de développement. Le marché est toujours important et dans un marché en croissance où les deals se font de plus en plus grands, où les acteurs indiens de taille suffisante ne sont pas que 4 et où les concurrents internationaux ont encore des coûts plus élevés, le risque de baisse des marges est limité. On anticipe donc sur les prochaines années un taux de croissance toujours élevé (entre 20 à 25% de hausse du chiffre d’affaires par an) et un maintien des marges d’exploitation à des niveaux supérieurs à 20% (cf article précédent).
En quoi le groupe se différencie de ses concurrents indiens ?
Les profils dans le secteur sont relativement similaires mais on pourrait observer quelques maigres différences :
D’une part, le groupe a une répartition géographique de ses activités plus équilibrée que d’autres et une présence en Europe plus ancienne : 59% de son chiffre d’affaires est toujours réalisé en Amériques mais 23% l’est en Europe et 12% en Inde. Si les délocalisations ont commencé par les Etats-Unis, elles devraient s’accélérer en Europe si ce n’est la barrière de la langue. Le groupe, par quelques petites acquisitions dans des pays à bas coût de main d’œuvre et de langue différente que l’anglais, se prépare ainsi à cette nouvelle phase ; par exemple, l’acquisition de Comicrom au Chili dans le secteur bancaire (IT) devrait lui permettre de pénétrer le marché espagnol.
D’autre part, le groupe a une palette de services plus large. La stratégie de TCS est de se développer dans le secteur des tâches administratives informatisées (BPO) des entreprises et de remonter la chaîne de la valeur ajoutée dans l’informatique en développant son propre software. La répartition de son activité ne démontre pas encore cette plus importante diversification métier (42% de son chiffre d’affaires est toujours réalisé dans les métiers des services financiers et 15% dans les télécoms) mais le groupe a entrepris des projets dans pléthores de métiers, ce qui lui permet de se préparer aux prochaines vagues de délocalisation qui pourront concerner les métiers industriels ou les services gouvernementaux. A noter que ce dernier secteur est particulièrement difficile à pénétrer du fait de la préférence pour l’emploi domestique des administrations. Pourtant TCS a récemment obtenu un contrat auprès de la sécurité sociale anglaise (NHS). Notons aussi que les contrats étant de plus en plus importants (voir le contrat General Motors qui vient d’être accordé), la taille est un élément essentiel ; TCS avec 65000 employés est de nouveau le premier employeur du secteur en Inde ! Le seul reproche que l’on faisait à TCS était d’être faiblement présent dans le domaine du BPO qui représentait quelques pourcentages de chiffre d’affaires (contre près de 10% pour Wipro) alors qu’à terme c’est un des relais de croissance ; TCS vient d’obtenir des contrats significatifs, comme par exemple avec le britannique Pearl Group (sur 12 ans) et ne peut plus être critiqué pour cela.
Last but not least, le groupe profite d’être une filiale de Tata. Tata ne met pas son nez dans les affaires de TCS mais les managers du groupe ont été formés à la même école (le centre d’apprentissage interne), ce qui permet les connexions. Dès lors, lorsque TCS nécessite le détachement d’ingénieurs du groupe (un projet IT pour l’automobile par exemple, dans la génération d’électricité ou encore dans la sidérurgie), il suffit de piaucher dans la maison mère. Je ne sais mesurer cette avantage particulier de TCS vis à vis de ses concurrents, mais cela ne me semble pas anecdotique. Acquérir rapidement la connaissance du secteur et être en contact avec des experts sectoriels doit avoir une valeur ajoutée importante et permettre de mieux cerner les besoins de ses clients.
Je n’ai pas remarqué par contre de différences dans les diverses politiques d’emploi des entreprises du secteur en Inde. Un ingénieur chez TCS se paie environ 350€ par mois, soit dans la moyenne du secteur. Leur taux de rétention de leur main d’œuvre est plutôt moins bon et leur culture d’entreprise plus classique et moins pregnante. Leur façon de convaincre les étudiants de travailler chez eux est de leur offrir une plus grande mobilité : avec des bureaux à travers toute l’Inde, TCS permet à ses employés de revenir s’installer près de leur bassin d’origine. C’est un avantage qui est difficile à mesurer.
En somme, les différences sont faibles. C’est pourquoi le marché accorde une prime à l’historique des résultats (track record) plutôt qu’aux spécificités de chaque entreprise qui ne pèsent pas beaucoup dans la balance. C’est aussi pourquoi TCS a une légère décote face à son concurrent Infosys, qui ne semble pas justifiée. Des derniers chiffres en ma possession, le groupe était valorisé 24 fois ses résultats à publier, ce qui apparaît cher, surtout dans une économie émergente. Mais le business model est beau, l’équipe managériale compétente et humble et le secteur toujours prometteur.
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