Hindalco est un des actifs essentiels du groupe Aditya Birla, qui représente un chiffre d’affaires cumulé de 7,3 milliards de dollar (pour un résultat net de 800 million) et une capitalisation des diverses entités additionnées d’environ 8 milliards de $. Aditya Birla est présent dans deux métiers principaux : le ciment avec Grasim, le plus grand cimentier du pays et Hindalco, sa branche aluminium. Le groupe est présent aussi dans les métiers du viscose, des télécoms (l’opérateur Idea), l’assurance ou encore le textile. C’est un des groupes les plus anciens d’Inde (environ 100 ans) avec la premiere particularité d’avoir été le seul groupe d’importance à avoir financé le parti du congrès avant l’indépendance et ce, au nez des anglais. La deuxième particularité est d’avoir compris très vite la dérive socialisante du gouvernement Nehru et donc de s’être développé tôt à l’étranger. On dit généralement que c’est la première multinationale indienne.
L’entreprise qui nous intéresse aujourd’hui est Hindalco, entreprise présente dans les métiers de l’aluminium et plus récemment du cuivre. Profitant du boom des matières premières, elle a dégagé un chiffre d’affaires de 2,1 milliards de dollar l’année dernière pour un résultat net de 300 millions. Plus parlant, sur les dix dernières années, la croissance annuelle du chiffre d’affaires a été de 26% et celle du résultat net de 16% ; c’est dire la bonne gestion de cette entreprise qui dans le monde des commodités fait figure de pépite. Son activité se répartit entre une branche alumine et aluminium qui représente 55% du chiffre d’affaires mais 80% du bénéfice du groupe et une branche presente dans le cuivre. Hindalco produit environ 1,1 million de tonnes d’alumine et 0,4 d’aluminium. Le cuivre représente le reste de son activité, avec une rentabilité donc bien plus faible mais c’est un métier en devenir. Hindalco produit environ 0,5 million de tonnes de cuivre par an.
L’aluminium : c’est le métier historique du groupe. C’est un marché intéressant car environ les ¾ de la valeur ajoutée du secteur se trouve au niveau de la transformation de l’alumine en aluminium et seulement ¼ au niveau de l’extraction de la bauxite (qui deviendra l’alumine). Le marché cible du groupe (du moyen-orient au sud asiatique) profite des délocalisations industrielles vers l’Asie et de la substitution par l’Aluminium d’autres métaux plus lourds. On anticipe sur les prochaines années une croissance du marché asiatique de 9%/an pour un marché mondial en croissance de 6%/an. Plus spécifiquement le marché indien devrait fortement croître pour plusieurs raisons : près de la moitié de la demande provient du secteur électrique. Le gouvernement a mis en place un grand plan d’investissement dans la transmission et distribution d’électricité (le fil aluminium est plus léger que le cuivre pour tout réseau aérien) qui devrait tirer les ventes d’aluminium. Le deuxième secteur d’importante, l’automobile, profite du boom des ventes de vehicules en Inde et d’exportation de pièces détachées de plus en plus importantes. Le marché cible d’Hindalco devrait donc connaître une forte croissance ces prochaines années.
Le groupe présente quelques avantages géographiques. Rappelons la structure des coûts de l’industrie de l’aluminium : environ 40% correspond à l’achat d’alumine, 27% au coût énergétique, 10% à la main d’œuvre. On comprendra alors les avantages relatifs d’Hindalco face à ses concurrents. Premièrement, son coût de la main d’œuvre est particulièrement bas face aux concurrents européens et américains. Deuxièmement, Hindalco bénéficie d’un coût énergétique favorable. L’entreprise génère sa propre électricité à partir de charbon acheté majoritairement localement à un coût faible. L’Inde a 8% des réserves mondiales de charbon (soit les troisièmes mondiales). Le gouvernement a décidé d’en privatiser une partie, ce qui devrait permettre d’en baisser le coût de production. Hindalco pourrait participer à ces enchères. Notons par ailleurs que le groupe a des crédits de carbone (dans le cadre de Kyoto). Enfin au niveau de la bauxite, le groupe profite de réserves importantes en Inde (6ème pays producteur avec 5% des réserves mondiales). Certes ce ne sont pas les réserves australiennes ou guinéennes mais la qualité de la bauxite indienne permet un coût de production d’alumine presque aussi bas qu’il est en Australie. Aussi Hindalco ne représente aujourd’hui qu’un dixième du plus grand producteur mondial qu’est Alcoa mais ses coûts de production (seulement 1000$/t, soit 50% de moins que la moyenne mondiale) devrait lui permettre de gagner vite en part de marché. Pour situer le groupe face à sa concurrence, notons qu’il a dégagé l’année passée une marge d’exploitation brute (EBITDA) de 43% contre seulement 9% pour son concurrent Alcan (ex-Péchiney). Certes sa marge a baissé suite à la chute rapide des droits d’importation sur les produits de ses concurrents en Inde, mais elle s’est stabilisée depuis à un niveau qui reste très élevé !
La stratégie du groupe dans l’aluminium est double : premièrement, si la valeur ajoutée se trouve au niveau de la transformation de l’alumine en aluminium, les barrières à l’entrée sont plus élevées dans l’exploitation de bauxite et la production d’alumine (droits de concessions…). Résultat, le groupe désire croître très vite dans ce dernier domaine, ce qui lui permettra d’installer les bases de son développement dans l’aluminium ensuite. De plus, l’alumine trouve facilement preneur vu le déficit important des pays voisins (Chine, Moyen-orient, Afrique…). Dès lors, Hindalco veut quasiment quadrupler ses capacités de production d’alumine, passant de 1,1 million de tonnes par an à 4,1 d’ici 5 ans. Deuxièmement, le groupe veut remonter la chaîne de transformation. De simple producteur de rouleaux d’aluminium, le groupe produit de plus en plus de produits transformés (extrusions, jantes alliage…). La difficulté est que le groupe progresse plus lentement sur ces nouveaux métiers (le temps de se faire référencer par un gros client automobile…) et donc que son développement est plus lent : il prévoit d’accroître ses capacités de 425 000 tonnes par an à 830 000 ou 1,1 million d’ici 5 ans. Là encore Hindalco profite de marchés finaux en croissance, en Inde comme en Asie ou il y a des déficits en aluminium qui restent toujours conséquents.
Le cuivre : c’est un métier plus récent puisqu’il date de 2002, suite à l’acquisition d’Incal. Le marché final devrait connaître une moindre croissance que l’aluminium mais le groupe pense qu’il pourra d’ici quelques années dégager une rentabilité intéressante dans le secteur. Pourquoi ? Regardons le marché : la valeur ajoutée se situe au niveau de l’extraction de cuivre et non de sa transformation. En effet, les transformateurs de minerai achètent le cuivre au prix de vente sur le marché (LME) moins une marge de raffinage et de transformation qui ne représente qu’une très faible proportion du prix global de vente après transformation. La valeur ajoutée profite aux extracteurs et non aux transformateurs alors que le coût de raffinage du cuivre est élevé. Cette marge fluctue de manière importante (passant de 2 à 40$/t en quelques mois) suivant les stocks disponibles dans le monde. Disons que le métier du cuivre n’était pas particulièrement rentable jusque-là, d’autant plus qu’en Inde, les droits sur les importations ont fortement chuté (en deux ans de 35% à 5%) et donc les prix de ventes se sont détériorés. Reste que c’est un marché intéressant à long terme car Hindalco peut bénéficier d’un coût énergétique bas (coût du charbon indien), d’un coût de main d’œuvre bas, d’une ressource abondante et d’un marché régional (notamment la Chine) en net déficit, et ce d’après le management, pour quelques années encore. La stratégie du groupe est de se développer de plus en plus en amont. Hindalco a racheté deux mines australiennes dont les premières livraisons devraient commencer prochainement et qui permettront à terme de se fournir en minerai en interne pour 20% de sa production de cuivre. Le groupe ne désire pas racheter de mines (trop cher) mais participe au financement de plus petits projets d’exploration et production dans ce domaine. De plus, le groupe accroit ses capacités de production, ce qui permet de baisser ses coûts fixes en gagnant en économie d’échelles. Il ne représente aujourd’hui qu’un tiers de la taille du plus grand producteur mondial (Codelco) mais il est déjà de taille importante et son positionnement géographique est plus favorable. Notons enfin que le groupe est aussi présent dans l’exploitation d’or et d’argent mais ce, en quantité négligeable.
Les marges du groupe fluctuent au gré des prix des matières premières mais le déficit asiatique en alumine et cuivre devrait permettre au groupe de dégager des montants importants de cash ces prochaines années. Sa stratégie est claire, ses projets de croissance nombreux et sa rentabilité élevée. La dernière fois que j’ai regardé sa valorisation, elle correspondait à 7 fois ses bénéfices. C’est finalement, une des entreprises qui m’a le plus impressionné en Inde.
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