Reliance fut longtemps le deuxième groupe le plus important d’Inde après Tata. Ce groupe a été créé il y a une quarantaine d’année par un homme ambitieux dont les collusions avec le monde politique étaient bien connues. Reliance garde depuis une réputation quelque peu sulfureuse bien que tout la communauté financière leur accorde le crédit d’une grande compétence et d’une réelle efficacité. Pour donner quelques chiffres qui présentent le groupe, disons que sur les 10 dernières années, la croissance annuelle du chiffre d’affaire a été de 26% et celle du bénéfice de 18%. Avant le split de l’entreprise, le chiffre d’affaire avait atteint près de 17 milliard de dollar, la capitalisation 24 milliards, ce qui en faisait le premier groupe indien.
Fabuleux conglomérat présent dans les métiers de la chimie, de l’énergie et des télécoms, l’entreprise n’a pas résisté à la mort du fondateur. Les deux fils héritiers n’ont cessé depuis de se disputer et le groupe a été divisé en plusieurs entités cotées depuis quelques semaines. Le groupe qui fait l’objet de cet article correspond à la branche raffinage et chimie. Cette entité a gardé le nom de l’ancien conglomérat : Reliance Industries.
Reliance Ind est donc présent dans deux métiers principaux : le raffinage et la chimie. Dans la très grande majorité de ces businesses, il figure parmi les 10 plus grands acteurs mondiaux. En Inde, c’est un géant : sa part de marché dans le Polyester est de 55%, dans les fibres intermédiaires de 78%, dans les polymères de 65% et dans le raffinage de 28%.
Historiquement, le groupe était un chimiste. Puis avec l’ouverture du marché pétrolier, il s’est introduit –de manière peu transparente- dans le raffinage de produits pétroliers, pour devenir rapidement le plus grand raffineur du pays. La grande chance du groupe est d’avoir été en conccurrence avec des compagnies publiques peu efficientes. Son problème est corollaire : il est dépendant de ces mêmes compagnies pour son approvisionnement en pétrole et ses ventes de produits pétroliers. Aussi l’objectif avoué du groupe est de devenir un pétrolier intégré, que cela soit dans l’amont (l’exploration-production), l’aval (raffinerie, station-services) ou la chimie, afin de devenir moins dépendant. Comment s’y est t’il pris ?
Dans le raffinage (récemment près des 2/3 de son résultat), il a construit la plus grande raffinerie du pays et surtout la plus moderne. Cela lui permet de bénéficier d’économies d’échelle et de traiter des pétroles lourds qui deviennent une part de plus en plus élevée des huiles disponibles dans le monde. Ses marges de raffinage s’en ressentent : sur les derniers trimestres, elles variaient entre 9 à près de 11$ le baril, ce qui en fait un secteur très rentable mais plus encore le différencie pleinement de ses concurrents : en Asie, l’indice de marge moyenne (Singapour) est de quelques dollars inférieurs alors que ses concurrents indiens (Indian Oil par exemple) dégagent des marges significativement inférieures (plutôt de l’ordre de 5-6$). De plus, l’ensemble des compagnies concurrentes sont publiques et subventionnées : des coûts supérieurs et des investissements moins rationels expliquent la part de marché importante que Reliance a conquise dans le raffinage. Sur le volume raffiné chaque année, l’entreprise en vend 40%, en consomme (chimie) environ 25% et en exporte 35%( ce qui lui permet de récupérer des devises fortes de couvrir naturellement ses achats en dollar). Le groupe s’est d’ailleurs construit en se développant vers l’export (Amérique, Europe) ou les marges sont plus importantes et où les normes (de qualité de l’essence) offrent plus de barrière à l’entrée. Reliance veut d’ailleurs accentuer ce biais vers l’export. Il compte doubler ses capacités de production d’ici 4 ans et tourner l’ensemble de celles-ci vers l’étranger. Son succès proviendra de deux facteurs : l’évolution des marchés des pays développés et les délais dans la construction de raffinerie dans le moyen orient. Les marchés existent en effet : la consommation dans les pays riches continuent d’augmenter bien qu’aucune raffinerie nouvelle n’ait été mise en chantier depuis longtemps : très exactement 29 ans aux USA. De plus, il faut 5 à 6 ans pour construire une raffinerie. Reste qu’une conccurrence pourrait émerger en provenance du moyen-orient. En effet plusieurs pays (Arabie saoudite, Qatar) ont déclaré leur intention de construire dans les prochaines années des raffineries pour profiter de la forte demande actuelle. Reste que ce sont plus des projets que des réalités et que de nombreux délais-propre au système économique de ces pays – pourraient surgir. Son développement dans le raffinage est très ambitieux mais cohérent. Le groupe a prouvé par le passé sa bonne gestion et sa raffinerie unique a déjà un taux d’utilisation de 100%, ce qui est exceptionnel.
Dans la pétrochimie, c’est le même principe : un site de production gigantesque qui permet des économies d’échelle et une très forte intégration verticale. Reliance produit une très vaste gamme de produit et bénéficie de coûts inférieurs à ce qu’ils sont dans les pays riches ou proches (sauf au niveau de l’électricité) mais surtout de sa proximité avec des marchés en forte croissance ; soit l’ensemble de la zone asiatique. On observe généralement que la demande d’Ethylène suit très exactement la croissance économique. Avec un taux de croissance de 8% prévu ces prochaines années et la délocalisation des industries textiles vers l’Asie (et aussi l’Inde), le marché potentiel pour ses produits chimiques est important. Le groupe a un plan de développement plus modéré, avec des ajouts de capacités réguliers ces prochaine années. Pour donner une idée générale, la marge d’exploitation de la partie chimie sur le dernier trimestre publié était de près de 15% alors que les chimistes européens restent en perpétuelle restructuration pour compenser le niveau faible de leur rentabilité.
Parallèlement le groupe a la volonté de devenir un pétrolier intégré ; et cela pour plusieurs raisons :
Dans l’ Amont, le groupe est dépendant pour ses approvisionnements en pétrole de compagnies étrangères et nationales. Le groupe a profité de l’ouverture de zones d’exploration au Rajasthan et sur le pourtour cotier indien pour procéder à des recherches faites majoritement en interne. Il en acquiert ainsi la connaissance du métier de l’exploration. Il a développé des projets parallèllement à l’étranger (Yemen et Oman) mais qui restent pour l’instant inconsistent. Aujourd’hui, sa production propre de pétrole est très marginale (2-3% maximum des besoins) mais d’ ici 5 ans, elle pourrait représenter près de 20% de ses approvisionnements. Reste que le groupe a avant tout trouvé du gaz et pénètre un nouveau marché qui s’avère aussi prometteur : la part du gaz dans la consommation énergique indienne n’est que de 8% (contre 25% dans le monde) et le pays désire promouvoir cette énergie pour rééquilibrer sa balance énergétique trop dépendante du charbon et du pétrole. Dans l’amont pétrolier le succès du groupe sera plus aléatoire au gré des bonnes ou mauvaises surprises qui surviennent lors de la mise en production de champs d’hydrocarbure. Il reste que c’est une bonne chose, dans un environnement de pénurie ressentie de pétrole, de vouloir être moins dépendant d’autrui pour ses approvisionnements.
Dans l’aval, le groupe s’est développé très rapidement pour contrer les compagnies publiques clientes dont les coûts sont trop élevés et dont le pouvoir de négociation pèse sur les prix à la vente de Reliance. Ce développement a été fulgurant : en un peu plus d’un an, le groupe a investi des ressources importantes pour opérer plus de 1000 nouvelles stations service. Et c’est réussi : avec moins de 4% du nombre de station-services, Reliance vend 11% des volumes. Comment ? Le groupe a profité d’un grand programme de construction d’autoroutes entre grandes villes, pour y favoriser son implantation au détriment de ses concurrents. Le souci du service (carte de prépaiement pour les routiers…) a fait le reste. Le groupe a joué sur les ressources plus limitées de ses conccurrents publiques et leurs coûts bien supérieurs pour rapidement prendre des parts de marché. Le groupe a l’autorisation d’installer 6000 station-service mais pourrait mettre un stop temporaire à ce développement. En effet, les concurrents n’ont pas voulu facilement perdre en part de marché et ont aussi réinvesti dans de nouvelles station-services. De plus, en vendant l’essance à un prix inférieur au coût de revient (les compagnies publiques sont ensuite subventionnées par l’Etat), elles pèsent sur le marché. Toutes les entreprises dans la distribution de l’essence perdent de l’argent (jusqu’à 12$ par baril !!) ; d’où la volonté de Reliance de limiter son développement dans ce secteur. Reste que cela lui permet de vendre à son réseau propre à un prix supérieur à celui auquel le groupe vend de l’essence aux entreprises concurrentes.
En somme, Reliance est un groupe en pleine mutation. D’ici 5 ans, on aura un groupe beaucoup plus équilibré avec une pétrochimie qui profitera toujours de la forte demande asiatique mais qui comptera moins dans les comptes, une branche exploration qui commencera à l’inverse à compter, un raffinage orienté vers le marché export plus rentable et un branche distribution dont on ne connaît pas encore l’ampleur parce que cela dépendra de la rentabilité de ce secteur déficitaire. De plus le groupe a les moyens d’acquérir une entreprise indienne dans le cas de privatisations ultérieures.
C’est donc une très belle entreprise, bien gérée et dont la chance a été d’avoir bénéficié d’une concurrence publique inefficiente. Finalement, une entreprise a suivre…
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