Préambule : cet article fait suite au premier réalisé sur le pays du sourire. L’objectif est de donner un aperçu rapide de quelques secteurs clé.
Le secteur aérien :
Le trafic a fortement cru sur les trois dernières années. C’est la conséquence de la libéralisation du secteur intervenue en 2003 qui a permis l’émergence de nouvelles compagnies à bas prix qui ont tiré les prix vers le bas mais le trafic vers le haut. Le sentiment actuel est qu’après une année 2004 de guerre des prix (avec un trafic en hausse de 24% pour la seule année), la concentration du secteur est nécessaire.
3 compagnies se démarquent :
Thai Airways est une belle entreprise dont le capital n’est ouvert que depuis 3 ans mais qui reste un modèle de bonne gestion. La stratégie du groupe consiste à sortir progressivement des vols court-courriers pour se concentrer sur son développement international plus margée et profité de la constitution de l’aéroport de Bangkok comme le grand hub régional. Parallèlement, le groupe escompte se développer dans les activités cargo. Thai est aujourd’hui constitué d’une flotte équilibrée de Boeing et d’Airbus, mais petit à petit l’avionneur européen prend le pas sur l’américain ; le groupe sera l’un des premiers à posséder des superjumbos A380 !
Bangkok Airways, le numéro 2, a constitué un réseau court-courrierk, de petites distances et avant tout tournée vers les vols touristiques. Le groupe ne survit à l’arrivée de compagnies à bas prix que du fait qu’ils possèdent plusieurs aéroports privés et donc plusieurs destinations en monopole. Le groupe axe sa stratégie sur l’extension de son réseau au pays voisin et le remplacement de sa flotte par des A320.
Air Asia est le bulldog de la zone : le groupe malais connaît une croissance fulgurante. En Thailande, il s’est associé avec l’entreprise du premier ministre Shinawatra pour rapidement prendre en part de marché. C’est le Ryanair de la région.
Globalement, le secteur aérien profite de l’émergence de nombreux acteurs qui tirent de trop les prix à la baisse sur les courtes distances. A l’inverse sur les vols internationaux, les entreprises profitent du développement d’infrastructure de qualité et de la forte croissance de la région asiatique.
Le BTP :
C’était auparavant un secteur essentiel au pays (plus de 6% du PIB et c’est sans compter les matériaux de construction) mais c’est de moins en moins vrai. Les entreprises du secteur connaissent depuis plusieurs années une forte hausse de leur ventes : la spéculation immobilière a repris et les permis de construction croissent à des rythmes de plus de 20%/an. Parallèlement, pour soutenir l’économie, le gouvernement a décidé la construction de mégaprojets (construction d’un aéroport international, extension des réseaux de métro…). C’est donc un secteur sinistré par la crise mais qui a profité au niveau résidentiel de la forte baisse des taux d’intérêts et du redressement de l’économie. Il me semble qu’une nouvelle bulle immobilière pourrait apparaître.
L’automobile :
Malgré un PIB par habitant qui reste faible, la Thailande a un parc automobile important (près de 20 millions de véhicules). Ce secteur est clé dans ce pays : les ventes ont atteint près de 600 000 unités par an, profitant de la baisse des taux et des frais de douanes et la production frôle le million d’unité. En somme le pays exporte plus du tiers de sa production vers l’Indonésie et même l’Australie. La particularité de se marché est d’être constitué majoritairement de pick-ups (60% des ventes) et que les constructeurs japonais sont les maîtres et se répartissent 90% de parts de marché (Toyota 37%, Isuzu 24%, Honda 12%). J’ai plusieurs remarques sur ce secteur : d’une part, l’offre est limitée et avec une hausse des taux, les consommateurs pourraient se tourner vers des modèles plus petits, moins coûteux et consommant moins d’essence. En somme, l’offre pourrait exploser alors que les volumes reculent. D’autre part, le marché locale devenant mature et la main d’œuvre étant comparativement cher, les constructeurs japonais pourraient rechercher d’autres zones de production et d’export (ie la chine ou l’Inde). La production locale pourrait là encore reculer.
Distribution :
La Thailande offre l’un des systèmes de distribution les plus sophistiqués en Asie. En 2003, le secteur se structurait entre 129 hypermarchés, 250 supermarchés, 3600 magasins de proximité et 270 000 épiceries traditionnelles. Notons en premier lieu que le pays est divisé entre le grand bangkok au pouvoir d’achat élevé et le reste du pays rural au pouvoir d’achat bas.
Notons aussi que la Thailande offre toute les recettes du succès dans l’hypermarché : un parc automobile large, un urbanisme aéré et des marges intermédiaires élevées dans le système de distribution traditionnel. Résultat le segment des hypermarchés est en croissance malgré une présence déjà importante (déjà 20% des surfaces de ventes modernes à Bangkok).
L’hypermarché a connu un premier boom lors de la crise de 98 quand les classes moyennes laminées se sont tournées vers des produits moins chers et pourrait connaître une nouvelle vague de hausse du fait aujourd’hui de la hausse du prix de l’essence qui en Asie a une incidence encore plus grande sur le pouvoir d’achat des ménages. Le pouvoir politique tente de limiter les autorisations d’ouverture et de créer des structures d’achat en gros pour les petits épiciers locaux, mais cette dernière aventure s’avère un échec. Cependant, le développement des 4 grands groupes dans l’Hypermarché (Tesco 41% de parts de marché, Makro 22%, Casino 26% et Carrefour 11%) reste limité par le nombre d’autorisations. Aussi ces derniers se lancent dans les alliances avec les pétroliers pour développer des supérettes dans les stations services ou dans le hard discount (ie Leader Price).
Le supermarché souffre de la concurrence des hypers et de prix trop élevés. Le secteur se concentre à mesure que les acteurs étrangers sortent du pays. Nul n’a encore trouvé de formule qui fasse recette.
Les magasins de proximité sont pléthore : ils ne ressemblent pas à nos épiceries en France mais plutôt au « dépanneur » québécois, soit un magasin de choses à grignoter et de produits de première nécessité. Leur intérêt : une ouverture 24h/24 ! La chaîne 7/eleven domine.
Reste enfin ce que les thailandais appellent les mom and pop shops, soit l’épicerie traditionnelle qui souffre de prix de ventes trop élevées (pas de centrale d’achat efficace), d’une hygiène ou d’un confort (climatisation) décalé des attentes des thailandais.
Le tourisme :
C’est un secteur clé de l’économie (6% du PIB). La Thailande a bénéficié de sa réputation comme pays sûr et a attiré en 2004 près de 14 million de touriste en provenance d’Europe mais surtout de pays asiatique (Malaisie et Japon). La dépréciation du baht après la crise et la constitution d’infrastructures de qualité a permis une croissance régulière du flux touristique qui depuis 10 ans est en hausse de 6%/an. Le Tsunami a eu des conséquences très négatives sur le tourisme. Reste qu’après une baisse importante des touristes au premier semestre 2005, ces derniers sont vite revenu. Ils préfèrent maintenant les plages du golfe de Siam plutôt que la cote de la mer d’Andaman sinistré, dont pourtant 90% des hotels ont réouvert !
Le tourisme est un secteur essentiel mais les marges de progression sont limitées. Le pays devrait bénéficier d’un tourisme régional plus important et de sa stratégie de montée en gamme vers une offre plus culturelle, à destination des entreprises (séminaires) ou à thèmes (sport ou loisirs).
La téléphonie :
Là encore les chiffres sont étonnants : il y a déjà 27 millions d’utilisateurs de portables en Thailande, ce qui représente 43% de la population. Les taux de croissance des nouveaux abonnements ont donc tendance à diminuer. Trois acteurs prédominent : AIS (53% de parts de marché), le groupe du premier ministre, qui bénéficie d’un traitement de faveur sur les connexions au fixe, DTAC, un groupe familial qui perd en part de marché (25%) au profit de TA Orange (15%) dont l’arrivée a entraîné ue guerre des prix. Toute la stratégie des groupes consiste à l’obtention de nouveaux utilisateurs implantés en province mais au pouvoir d’achat limité et à l’augmentation de la facturation client grâce à des ajouts de service. En somme, des choses bien similaires aux opérateurs occidentaux. La grande question est aussi de savoir quand aura lieu la transition vers le 3G, dont le coût effraie les acteurs locaux qui préfèrent encore GPRS et technologie edge.
Le secteur des matériaux de construction profite du boom de la construction nationale et d’un succès à l’export qui s’est accompagné d’une chute des marges. Les taux d’utilisation des capacités de production sont faible, l’export pourrait pâtir de coût de production élevés alors que la demande domestique pourrait ralentir. Rien de très glorieux…
Le secteur pétrolier se décompose entre l’amont (l’exploration et la production) et l’aval (raffinage et pétrochimie). Le pays n’est riche qu’en gaz naturel dont l’exploitation est confié à des multinationales (Total, Exxon). Les capacités de raffinage sont au main de l’opérateur public PTT, peu efficient mais qui profite de la hausse du prix de l’essence. Dans la chimie, le nombre d’acteurs s’est concentré : il bénéficie d’une demande asiatique élevée alors que la concurrence du moyen-orient retarde ses grands projets de complexes.
La sidérurgie est aussi un secteur peu intéressant. 60% de la production d’acier est consommée par le secteur de la construction. C’est un secteur où un acteur domine, qui est en surcapacité, peu efficient et dont les exportations vont diminuer à mesure de l’ajout de nouvelles capacité en Chine.
Le système de santé privé (70% des services de santé sont public) sont orientés vers le développement d’un tourisme médical, non sans succès.
Conclusion :
- Je ne crois pas à une accélération de la croissance économique thailandaise. Bien au contraire.
Si on cherche à investir sur le marché thai, il faudrait éviter les secteurs trop liés à l’export (concurrence chinoise) ou au bâtiment (bulle spéculative). Seul l’agro-alimentaire pourrait profiter pleinement de l’essor chinois.
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