La Thailande, bien qu’elle ait connu une forte croissance et apparaisse souvent comme un pays moderne aux touristes de passage, reste une économie de petite taille. Pour une population proche de celle de la France (65 millions d’habitant), le pays a un PIB de 180 Milliard de dollars, soit près de 10 fois moins. Un bref calcul donne un PIB par habitant de 2700$ par an. C’est faible et très loin du modèle coréen dont la richesse est encore 4 fois supérieure ; reste que dans la région c’est un des pays qui fait le mieux.
La raison première n’est pas l’impéritie du gouvernement thailandais – le gouvernement a plutôt développé une politique économique intelligente – ni le manque de croissance –sur les dix années précédentes la crise asiatique, la croissance moyenne du pays était de 9%/an- mais cela est du à un décollage tardif : les américains ne commencent à s’intéresser au pays qu’à la fin des années soixante, lorsque la guerre au Vietnam les oblige à se constituer une base arrière ; soit une vingtaine d’année après la Corée du Sud. Plus récemment, on notera aussi que la Thailande est le pays qui a été le plus durement touché par la crise asiatique : en une année le PIB a reculé de 10% et le Baht a été déprécié de 50%. Depuis le pays s’est profondément restructuré mais la crise a entaché le beau parcours économique du pays du sourire : sur les dix dernières années et du fait de cette crise, la croissance n’a été que de 3,5%/an. Hors celle-ci, le taux de croissance du pays se situerait plutôt entre 4 et 6%/an, ces dernières années.
La crise asiatique a profondément touché le pays, mais elle était avant tout une crise financière et le secteur productif n’a souffert que dans la mesure où il était exposé au risque de change. Depuis le pays s’est restructuré et est devenu moins fragile : premièrement, un régime de change mixte a été mis en place, cumulant un système de taux flottant (peggé) et un fort interventionnisme et un contrôle de la banque centrale sur les capitaux à caractères spéculatifs (hors IDE). Deuxièmement, une politique de taux bas a été menée par la banque centrale depuis 1998, ce qui a permis aux opérateurs privés de refinancer localement la dette contractée à l’étranger ; la dette externe est ainsi passée de 93% du PIB en 1998 à 30% aujourd’hui. Troisièmement, le secteur bancaire a été assaini ; de nombreux établissements ont disparu ou ont été fusionnés et les mauvaises créances ont été rachetées en grande partie par une structure de défaisance ce qui a permis d’étaler la charge sur une échéance ultérieure. Les mauvaises créances sont passées parallèlement de 40% des actifs à seulement 10% aujourd’hui. Enfin, les sources de financement des entreprises ont été diversifiées : les groupes privés n’ont plus seulement recours aux prêts bancaires mais peuvent directement emprunter sur le marché (obligataire ou action). Dans l’ensemble, la crise asiatique a obligé le pays a se reconstituer des bases financières plus saines : aujourd’hui la notation de la Thailande est de qualité.
Reste que tout n’est pas rose au Royaume de Siam : l’année 2005 a même été difficile du fait d’un certain nombre de chocs externes et internes : le pays qui est très dépendant du pétrole a subi la forte hausse des cours du brut, la croissance chez ses partenaires commerciaux s’est ralentie, le cycle électronique tarde à reprendre, le tourisme a été affecté par le tsunami alors que l’agriculture subissait la sécheresse, enfin la stabilité politique du pays a été remise en cause par les mouvements dans le sud musulman. A cela s’ajoute que nombre d’investisseurs étrangers commencent à délaisser le pays au profit d’économies limitrophes plus porteuses et au coût du travail inférieur.
En somme, les finances publiques sont relativement bonnes, le secteur financier a été restructuré, la consommation reste élevée mais l’industrie pourrait pâtir de réduction de la balance commerciale et de la redirection des capitaux étrangers vers des pays plus attractifs.
La structure économique du pays :
La Thailande a une économie diversifiée : une agriculture performante, une industrie légère présente dans de nombreux métiers et un secteur des services tournés vers le tourisme.
L’agriculture représente 11% du PIB, mais 20% des exportations. C’est aussi sans compter la transformation agro-alimentaire qui est une force du pays. La Thailande est devenu le premier exportateur de riz au monde (près d’un quart de sa production de 22 million de tonnes), un exportateur important d’oléoprotéagineux (soja, arachide, manioc), un acteur central dans le bois (au point de dévaster sa forêt) et la pêche.
L’industrie représente 40% du PIB, et les deux tiers des exportations. Elle a longtemps bénéficié –quand l’Asie était encore peu ouverte- des capitaux japonais et de ceux de la diaspora chinoise (Taiwan). Le pays a peu de ressources minérales à l’exception de l’étain et du gaz naturel et donc l’industrie de transformation de matières premières est marginales. Le pays est surtout actif dans les domaines suivants de l’industrie légère : l’automobile, le textile, le meuble, l’agro-alimentaire, l’électronique et le ciment.
Enfin, les services (49% du PIB) sont avant tout tournés vers le tourisme qui est la principale rentrée de devises étrangères. Le pays est une des premières zones de destination d’Asie (avec notamment un gros flux de touristes japonais et malais) et un hub important dans la région (Bangkok est le deuxième aéroport d’Asie).
A regarder la Thailande autrement, on notera que c’est avant tout une économie de consommation et de réexport.
La consommation représente 60% du PIB et a longtemps été un moteur de la croissance du pays – avec notamment une forte demande dans la construction ou les biens durables. Reste qu’aujourd’hui, la consommation est faible : les consommateurs ont profité de la baisse des taux passée, mais aujourd’hui subissent la remontée des taux et la hausse du pétrole. En effet l’inflation repart (elle était quasi nulle il y a 3 ans) du fait de la hausse de l’essence et oblige la banque centrale à remonter progressivement ses taux.
L’investissement est le facteur qui explique la croissance ces dernières années, avec là encore une forte demande dans la construction. En 2005, comme dans le reste du monde, la croissance de l’investissement a été élevée (près de 10%) mais on peut s’inquiéter de l’évolution future. Les capitaux étrangers se font plus rares : si entre 99 et 2001, les capitaux étrangers étaient de l’ordre de 4 à 6 milliards par an, ils sont maintenant inférieurs à 2MM par an ces dernières années. On sent la désaffection pour le pays au bénéfice de pays limitrophes.
La balance commerciale n’est plus un moteur de croissance : le pays antérieurement excédentaire est très dépendant du pétrole et subi de plein fouet la hausse du baril ; sa balance est dorénavant déficitaire (plus de 7MM$ en 2005).
Seule la dépense publique pourrait permettre le maintien d’une croissance élevée ces prochaines années. C’est là que le pays profite d’un gouvernement qui ajuste son soutien en fonction de la conjoncture internationale : en période de ralentissement, les dépenses publiques soutiennent la consommation, en période plus favorable, les dépenses diminuent. De plus depuis la crise asiatique, les comptes publiques ont été soignés : l’endettement public ne représente que 50% du PIB (l’objectif est de 35% d’ici 3 ans) et le budget est excédentaire (4,7%). Dès lors le pays peut continuer à alléger sa dette tout en financant un programme d’investissement important (34MM$ sur 5 ans) qui doit lui permettre d’améliorer sa productivité en modernisant ses infrastructures (extension des réseaux ferrés, d’irrigation, de génération d’électricité, de routes et amélioration de sons sytème éducatif…).
Il y a finalement trois points à retenir sur l’économie thailandaise : Premièrement, elle a été assainie suite à la crise asiatique, ses bases sont aujourd’hui plus solides et l’Etat a les moyens de sa politique keynésienne. Deuxièmement et à long terme, je doute de son potentiel : dans l’agriculture, les gains de productivité seront rares et le pays souffrira d’une surexploitation, dans l’industrie la Chine ou l’Inde, comme les pays limitrophes au coût de main d’œuvre plus bas risquent de drainer les capitaux dans les domaines de l’électronique, le textile ou même l’automobile. Enfin dans les services, le tourisme a une marge de progression limitée. Finalement, toute la stratégie du gouvernement est pour faire face à l’émergence de pays concurrents à l’exportation de développer l’intégration régionale et de faire du pays le hub régional. C’est une stratégie intelligente mais qui n’est pas porteuse d’une forte croissance.
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