Une bref introduction à la sidérurgie chinoise :
La Chine est depuis 1996, le premier producteur mondial d’aciers devant le Japon et les Etats-Unis. Le pays a produit près de 350 millions de tonnes d’acier brut l’année passée, ce qui représente presque le tiers de la production mondiale.
Le pays a profité d’un boom de la construction (près de la moitié de la demande d’aciers) et des délocalisations industrielles qui ont entraîné un sourcing local. Dans ce domaine stratégique pour l’économie du pays (un peu moins de 8% du PIB), les investissements- notamment étrangers- ont été facilités pour rénover un appareil de production vieux et inefficient. Mais l’engouement a été tel qu’il y a dorénavant des surcapacités. On estimait ces surcapacités à 25 millions de tonne fin 2005 et on pense qu’à la fin de la présente année les surcapacités resteront encore importante (d’aucun dise entre 10 et 30 millions de tonnes).
Cette question d’une sur-offre est récurrente et ne semble pas se résoudre : d’un côté l’Etat a mis en place des mesures pour limiter les nouvelles capacités de production ; dorénavant tout ajout doit obtenir au préalable une autorisation du gouvernement central. Mais les états régionaux poussent à la croissance pour augmenter leur rentrées fiscales. Enfin les entreprises sont engagées dans une course à la taille et aux économies d’échelle pour espérer faire partie à terme des acteurs domestiques d’importance. De plus les acteurs étrangers bien que durement sélectionnés par le gouvernement central (taille minimale requise, transfert de technologie obligatoire…)sont appelés à investir dans des joint ventures pour moderniser l’appareil de production du pays.
Globalement, les investissements dans le secteur ont cru de 90% en 2003 et ils ont encore cru de 23% en 2004, année de mise en place d’une réglementation plus contraignante. Au total, les capacités de production ont été augmentées de 43 millions de tonnes en 2004 et de 55 millions en 2005, soit plus en une année que la capacité de l’industrie sidérurgique allemande !
Le marché de l’acier reste en effet encore très fragmenté avec 1000 aciéristes différents bien que trois acteurs commencent à dominer : Baosteel, Anshan steel et Wuhan steel sont en effet les trois entreprises ayant une production supérieure à 10 millions de tonnes. Reste que les dix premiers producteurs ne représentent encore que le tiers de la production domestique. Et la concentration du secteur prendra du temps du fait des intérêts divergents des régions.
Le risque majeur sur ce marché est qu’avec les mesures prises par le gouvernement pour limiter la bulle immobilière et la construction de nouveaux bâtiments ainsi que la redirection des investissements publics vers les secteurs primaires et tertaires au détriment de l’industrie, la demande d’acier commence à se ralentir alors que la production est toujours en hausse.
La conséquence première serait une chute des prix. Ainsi au deuxième semestre 2005, alors que le gouvernement avait aboli l’abattement de TVA sur les exportations d’acier, le prix de l’acier a Shanghai a fortement chuté : une baisse de 8% dans les aciers longs mais de 20% dans les aciers plats. A la chute des prix, suit la baisse des profits des acièristes. Si sur 61 aciéristes recensés par Citigroup 6 réalisait des pertes en novembre, 21 perdait de l’argent en janvier 2006.
La conséquence seconde sera une hausse des exportations. Depuis 2004, la Chine est déjà exportatrice net d’acier brut. Le pays reste encore un importateur net d’acier plat (qui constitue 85% de ses imports pour seulement le tiers de sa production domestique d’acier) mais cela ne devrait pas durer. Tous aciers réunis, les importations nettes ont baissé de 44 millions de tonnes en 2003, à 16 millions en 2004 et 1 million en 2005. L’année 2006, sera donc l’année de césure.
Globalement, le pays a l’avantage de ressources en charbon importante, d’un coût de l’énergie bas et d’une main d’œuvre peu chère. Aussi alors que les prix de l’acier restent encore très différents entre les Etats unis et la Chine (de 100 à 200$ de prime par tonne aux USA), les exportations chinoises seront appelées à croître. Pour le moment, les entreprises de Chine ciblent les pays limitrophes (la Corée du Sud par exemple et ses nombreux chantiers navals) et hésitent à développer leur distribution en Amérique du Nord de peur de nouvelles restrictions réglementaires. Mais lors du prochain bas de cycle, alors que les surcapacités seront énormes, les acteurs chinois devront nécessairement plus exporter. Le retournement des prix sur les marchés mondiaux de l’acier sera alors redoutable.
Baosteel, le leader chinois
Baosteel est le plus grand aciériste de chine (il représenterait 6% de la production nationale) mais n’est que le sixième producteur mondial. Le groupe a produit 18,4 million de tonne d’acier brut et 18 millions de produits finis en 2005. C’est une très forte hausse par rapport à 2004 (+55%) car l’entreprise cotée à racheter des actifs à sa maison mère, payé pour partie en action. En année pleine, le groupe a dorénavant une capacité de production de l’ordre de 20 millions de tonnes.Aujourd’hui, la maison-mère (dit autrement, l’Etat chinois) possède encore les ¾ du capital.
Le groupe a quatre points forts :
- Premièrement, il est faiblement exposé au métier de la construction (6% seulement de ses ventes) et subira moins le ralentissement des nouveaux chantiers.
- Deuxièmement, il produit plus de produits à haute valeur ajoutée : 12% de sa production, par exemple sont des aciers inoxydables ou des alliages spéciaux. Au plan technologique, il est certainement le leader en Chine grâce notamment à des partenariats avec Arcelor et Nippon Steel.
- Troisièmement, il a des positions importantes sur des secteurs industriels à forte croissance. Baosteel a ainsi 52% de parts de marché sur l’acier pour automobile, 55% sur l’acier pour produits blancs ou encore 30% de l’acier pour pipeline. Ces trois secteurs réunis représentent 25% de son chiffres d’affaires.
- Quatrièmement, il est un des premiers acteurs à s’être développé à l’export, ce qui représente 11% de ses ventes.
Baosteel a aussi l’avantage d’un coût de production favorable face à ses concurrents :
L’entreprise a installé ses aciéries sur la cote chinoise (au tout début à Shanghai) et profite d’une localisation proche de ses clients industriels et d’un coût de fret inférieur pour importer du minerai de fer exclusivement d’Australie et du Brésil.- Baosteel ne se fournit pas, à la différence de ses concurrents locaux, en minerai chinois de mauvaise qualité.
Par contre, le groupe se fournit à 90% en charbon chinois dont le prix d’achat est très avantageux : disons 700 RMB la tonne contre 1000 RMB sur les marchés internationaux.
De plus, la quasi-totalité de ses besoins en électricité (qui représentent 10% des coûts de production) sont fournis en interne grâce à des centrales de production thermique au charbon.
Enfin, Baosteel profite d’un coût de la main d’œuvre bas et a su limiter l’inflation des salaires à 5-7% par an.
L’entreprise a dégagé un chiffre d’affaires de 126,6 milliards de renminbi en 2005 (environ 16 MM$) pour une marge d’exploitation de 14,3% et une marge nette de 10%. Baosteel à 28 milliards de RMB de dettes pour 75 milliards de fonds propres, mais aurait dégagé l’année passée près de 23 milliards de cash flow pour des investissements de 10 milliards.
Investir sur Baosteel c’est faire un pari sur l’évolution du prix de l’acier. Dans l’état actuel, avec des surcapacités importante en Chine et un possible ralentissement des nouvelles constructions, on s’attendrait plutôt à voir le prix de l’acier baisser ou du moins rester à un niveau bas.
Ce qui est par contre intéressant est que le groupe a un coût de production particulièrement bas, face à des concurrents internationaux, ou face à des acteurs locaux de taille bien inférieure. Lorsque ces derniers abaissent leur prix de ventes jusqu’au point de réaliser des pertes, Baosteel dégage encore un léger profit.
Dernièrement, Baosteel avait une capitalisation de 9 milliards de dollars. En incluant sa dette, le groupe vaudrait tout de même 80% de son chiffre d’affaires. Son PE (multiple du bénéfice) est de près de 6 fois les résultats publiés et 8 fois les résultats attendus.
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