Chaoda est le premier producteur de fruits et légumes de chine, mais ne répresente que 0,2% de la production chinoise sur un marché extrêmement fragmenté avec très peu d’acteurs de taille. Pourquoi être intéressé par une entreprise agricole chinoise ?
Parce que ce secteur est- à la différence d’autres productions agricoles- fortement intense en main d’œuvre ; celle-ci représente ainsi le quart des dépenses de production (et 30% pour les fertilisants).
La Chine qui dispose de terre particulièrement arable, profite du faible coût de la main d'oeuvre (un paysan gagne entre 25 et 50$ par mois) et peut exporter vers des marchés où les prix de détails sont quelquefois 10 fois plus élevés que les prix de gros en Chine !
Le pays produit déjà la moitié des volumes mondiaux de légumes.
La part des exportations dans la production totale chinoise est encore faible (1% des volumes) mais pourrait être appeler à croître à mesure que le commerce des denrées agricoles se libéralise. Chaoda est le producteur leader en Chine. La part des exportations représente déjà 30% de son chiffre d’affaires.
Parce que la situation actuelle de la paysannerie est intenable et qu’il faudra trouver des moyens pour y remédier. -Rappelons que la population chinoise est encore majoritairement (60%) rurale.- Si il y a dix ans, le revenu par tête des citadins et des ruraux était le même, les ruraux avec un revenu par tête de 420$ par an contre 1350$ pour les citadins, n’ont pas profité de la croissance industrielle du pays.
La taille des exploitations est d’autre trop petite pour permettre des économies d’échelle : globalement dans le pays elle est de seulement 1/5 d’hectare. Aussi, seul deux tiers des paysans travaillent réellement leurs terres alors que nombreux sont les travailleurs temporaires en ville (chantiers de construction..).
Cette situation devient de plus en plus critique et le gouvernement met l’accent sur l’investissement dans la campagne et sur les moyens d’accroître les revenus des paysans, et ce afin d’éviter toute jacquerie.
Chaoda rachète aux paysans leur droits d’exploitation sur 30 ans à un prix qui évolue peu d’année en année –environ 22000$ un hectare dont un quart la première année et le reste en loyer- y investit plus encore et réémploi une part des paysans à un salaire plus que doublé qui se rapproche alors de celui d’un ouvrier. Le fermier y trouve son compte car, soit il se fait réemployé à un salaire supérieur, soit il part en ville avec un petit capital. L’entreprise peut mieux payer ses paysans car elle emploie une main d’œuvre moins nombreuse et plus productive, profite de rendements plus élevés par une mécanisation et l’utilisation de technologie moderne et bénéficie d’économies d’échelle.
Parce que l’agriculture est un secteur très profitable en Chine. Si les surfaces cultivés sont de petites tailles, les marges réalisées par les agriculteurs sont élevées ; ce qui leur permet de survivre. De même, les marges réalisées par les grossistes sont aussi importantes ; la marge brute des grossistes est proche de 70% !
Pour bien comprendre la chaîne alimentaire, prenons l’évolution des prix aux différents stades : le prix de production des légumes est d’environ 0,4 Renminbi par kilo. Le prix de gros est de 1,2RMB/kilo (trois fois plus élevé). Le prix de détail est de 2,4RMB par kilo (6 fois plus élevé) et le prix à l’export est de 4,9RMB/kilo (12 fois plus élevé). La raison principale de cette forte progression des prix entre la production et le détail est la présence d’un très grand nombre d’intermédaires de petite taille qui n’ont pas la structure logistique (camion, entrepôt) adéquate. Chaoda court-circuite tout ce système en assurant sa propre logistique et vendant directement sa production aux chaîne de supermarché, à l’export ou au grossiste final.
Parce que cette industrie nécessite des capitaux relativement important et que rares sont les entreprises à bénéficier d’effet d’échelle. Le ticket à l’entrée est relativement élevé puisqu’il faut tout de même 40 000$ de capitaux par hectare de terre, ce qui est une somme relativement importante dans l’agriculture chinoise.
Plus encore Chaoda est déjà un acteur de taille importante : Le groupe possède 14700 hectares de terre, répartis en 31 grosses unités de production sur tout le territoire. Il possède des centres de recherche dans chacune de ces unités. Il bénéficie d’une productivité élevée et d’économies d’échelles. Enfin le groupe a développé un réseau de logistique d’ampleur national qu’il sera dur de constituer pour tout nouvel impétrant dans ce secteur. Remarquez finalement que les délais d’obtention de terre sont relativement longs et qu’entre la première négociation et la première année de production, 3 ans se passent. En somme, le groupe a quelques belles années sans concurrence nouvelle.
Présentation de l’entreprise :
Chaoda est une entreprise agricole chinoise cotée à Hong Kong. 31% de son capital est détenu par son fondateur et dirigeant, Kwok Ho. 87% de sa production consiste en légume, mais le groupe produit aussi du riz et des fruits de manière marginale. Il se développe aussi dans l’élevage (plutôt au niveau des technologies de fécondation plus rémunératrice). L’entreprise possède aussi quelques supermarchés qu’il pourrait céder prochainement.
63% de ses ventes se font auprès des derniers grossistes en ville, 30% se fait à l’export –majoritairement l’Asie et le Japon- et 6% directement auprès d’ « institutionnels », c’est à dire de chaîne d’hotel et de supermarché. Chaoda a notamment des accords avec Trustmart ou Walmart. Cette dernière partie grossit deux fois plus vite que le reste des ventes, Chaoda étant le seul producteur à pouvoir fournir une chaîne de supermarché implantée partout en Chine.
En termes financiers, le groupe a réalisé des performances remarquables ces dernières années : Une production en croissance de 32%/an sur les 5 dernières années, une croissance du chiffre d’affaires d’autant, un cash flow qui croit de 27% par an soit autant que son résultat net. Le groupe a dégagé sur l’exercice 2005, un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de Renminbi (soit 280 millions de dollars) pour une marge nette de 51% !
Chaoda a une croissance trop élevée pour l’autofinancer : avec un cash flow de 1 milliard, elle ne peut financer qu’une partie des 1,8 milliards d’investissement. Le groupe a procédé à des augmentations de capital régulière –plutôt que de se financer par dette auprès de banques publiques dont les taux étaient très défavorables- et s’est constitué des fonds propres élevés (5,8MMRMB). Sa dette actuelle (1,8MMRMB à 7,7%) est récente et devrait financer son développement sur les trois prochaines années. A plus long terme, la croissance devrait passer de 25-35% à un niveau plus raisonnable de 15-20% que Chaoda pourrait autofinancer.
Le groupe bénéficie de beaucoup de facteurs positifs : a) un marché en croissance, b) une croissance à l’export importante où le groupe bénéficie de coûts de production très inférieurs, c) un modèle intelligent qui permet des économies d’échelle, favorise un changement social nécessaire au gouvernement et permet de dégager des marges très élevées, d) peu de nouveaux concurrents à l’horizon ou de pressions sur les prix. En somme, c’est pour l’instant la plus jolie entreprise que j’ai recontré en Chine.
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