Voici le prototype même de l’entreprise chinoise mal gérée qui dans un environnement économique normal serait en faillite. Est ce la raison de leur communication financière désastreuse ? Quoiqu’il en soit, il est difficile d’analyser une telle entreprise car leur rapport annuel est illisible. La personne en charge des relations investisseurs a eu la gentillesse de m’accueillir pour ne pas répondre à la moindre de mes questions.
L’entreprise a été créé en 1995, provenant du découpage d’Air China en trois compagnies désormais concurrentes : d’une part China Southern, qui se développe à partir du cantonais vers le Nord du pays et l’international- et qui est certainement la meilleure des trois grandes compagnies nationales. D’autre part China Eastern dont l’origine est à Shanghai et qui, elle aussi, cherche à sortir de son marché domestique et propose des vols internationaux. Enfin, ce qu’il reste d’Air China, soit une compagnie avant tout axée sur les vols internationaux et qui cherche à l’inverse, à se rédéployer sur les vols domestiques pour alimenter ses vols long courriers.
Malgré cette concurrence apparente, les compagnies possèdent des parts de marché importantes sur certaines routes ; ce qui traduit plus une situation d’oligopole qu’une réelle concurrence. En guise d’exemple, notons que sur les deux aéroports de Shanghai (Pudong et Hongqiao), China Eastern airlines possède 30 à plus de 40% de parts de marché.
China Eastern en quelques chiffres :
La compagnie est une entreprise de grande taille puisque bien que récente, elle a transporté en 2005 plus de 24 millions de passagers dont 3,8 à l’international. Elle a desservi 118 villes sur 380 routes différentes. Le groupe a dorénavant une flotte de 180 appareils dont la majorité très récents. Pour donner un ordre de grandeur China Eastern représente tout de même le tiers de la taille du leader mondial Air France KLM en terme de trafic.
Son trafic passager a cru de 31% l’année passée à 36,4 millions de kilomètres passager et ses capacités ont cru de 26% à plus de 52 millions de sièges kilomètres. Cette forte hausse du trafic et des capacités provient de l’acquisition auprès de sa maison mère d’anciennes filiales indépendantes, China Eastern Yunnan et Northwest.
L’entreprise a réalisé l’année passée un chiffre d’affaires de 27,5 milliards de reminbi en hausse de 28%. Elle a dégagé une marge brute en net retrait à 32,4% contre 39,7% l’année passée et une marge nette négative à –1,7% contre un profit dérisoire l’année précédente. La raison principale est la forte hausse des prix du pétrole dont les besoins de China Eastern était insuffisamment couverts ; hausse que le groupe n’a su transférer à ses clients.
Ses dettes sont très élevées à plus de 38 Milliards de RMB pour un peu plus de 6MM
Pour ne pas énumérer une liste de chiffres catastrophiques, résumons plutôt toutes les erreurs stratégiques :
- L’entreprise fait l’acquisition de nouveaux actifs alors qu’elle n’en a pas les moyens. Avec 38MM
- China Eastern se concentre sur sa croissance plutôt que sur sa rentabilité. Son taux de remplissage moyen est de 69%. Sur l’international il n’est même que de 65% alors qu’un groupe de référence comme Air France remplit ses avions à hauteur de 75 à 80% ! Il est certain qu’en croissant trop vite sur un marché domestique qui pourtant progresse, le groupe n’arrive pas à remplir ses avions. En somme, la compagnie bénéficie d’un environnement idéal (peu de concurrence et un trafic en croissance) et malgré tout publie des chiffres mauvais. Que cela sera-t’il quand le secteur sera libéralisé ?
- La stratégie du groupe est indécise : d’un côté le groupe désire développer un réseau de hubs en même temps que des vols directs à partir de villes chinoises secondaires. Sa stratégie de hub est d’ailleurs étonnante : ses vols internationaux sont basés à l’aéroport de Pudong à Shanghai alors que ses vols domestiques sont à quelques dizaines de kilomètres au sud ouest à l’aéroport de Hongqiao ! L’ensemble de son offre est finalement très paradoxal : China Eastern propose ainsi un vol Shanghai-Pékin-Bombay (prenez une carte vous comprendrez que la meilleure route pour aller au sud n’est pas de passer par le nord) !
- La flotte du groupe n’est pas homogène : sous l’autorité du ministère chinois du transport, le groupe s’est engagé dans une politique d’acquistion d’appareils hétérogène. Ainsi pourquoi acheter à la fois l’ensemble de la famille Airbus A320 et des Boeing 737 (soit rendre deux fois plus compliqué son réseau pour des appareils aux capacités similaires) ? C’est encore un témoignage du manque de liberté du management.
- L’entreprise est dépassée : un système d’enregistrement unique pour les vols avec transit vient juste d’être mis en place ! C’est dire le retard ! Globalement l’entreprise réalise encore trop de métier en interne (maintenance, approvisionnement…)
- L’entreprise doit avoir des coûts supérieurs à ses concurrents : par exemple en matière de kérosène (qui représente le principal poste de dépense d’une compagnie pétrolière) ses besoins futurs sur les 2 prochaines années sont couverts à moins de 60% pour un niveau moyen très imprécis et compris entre 41$ et 70$.
China Eastern airlines est une entreprise de mauvaise qualité dont la survie n’est possible que grâce à l’aide directe (une subvention de 250 millions RMB par an) ou indirecte de l’Etat (le groupe peut se financer à un intérêt moyen de 4-5%, ce qu’il serait impossible sans l’intervention de l’Etat). Ma visite de cette entreprise a été décevante si ce n’est qu’elle m’a permis de juger du poids de l’Etat chinois dans le secteur aérien.
Commentaires