China Telecom est l’opérateur télécom public historique, mais il a été réduit de taille pour favoriser la concurrence. Le groupe avait auparavant un monopole mais a vu, depuis, émerger la concurrence de China Netcom dans le fixe et la substitution de la téléphonie fixe par la téléphonie portable. Le groupe a réagi en se développant dans la fourniture d’accès à internet et en proposant une formule de portables locaux à petit prix.
En 2005, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 162,5 milliards de reminbi en croissance de 6% pour un résultat net de 21,1 milliards en hausse de 8% ; hausse due en grande partie à la réduction des frais financiers. Sa marge d’excédent brut sur chiffre d’affaires continue de se comprimer à 50,3% du fait de la concurrence sur les prix mais sa marge nette reste encore élevée (13% tout de même).
Plus de la moitié de son chiffre d’affaires est réalisé dans la téléphonie fixe locale, soit 80,9 milliard de RMB. Mais cette entité connaît peu de croissance. Le nombre de ligne a ainsi cru de 13% l’année passée à près de 211 millions. Mais la pression sur les prix de la concurrence mobile est telle que globalement le chiffre d’affaire n’a pas connu de croissance. Le revenu par tête est ainsi passé de 58 RMB en 2004 à 51,7 en 2005 (-11% !). Sa part de marché est ainsi passée en deux ans de 48% à 43% aujourd’hui.
Le groupe a une stratégie diverse dans la téléphonie :
Premièrement, il tente de retenir le maximum de citadins en proposant de nouveaux services sur les lignes existantes (sms…) mais axe surtout son développement sur l’obtention de nouveaux clients ruraux. L’ensemble de sa nouvelle clientèle résidentielle est d’ailleurs essentiellement rurale et le groupe perd progressivement des parts de marché en ville au détriment de la téléphonie mobile. La clientèle résidentielle représente 118 millions de lignes.
Deuxièmement, il continue de développer son réseau de téléphones publics, plus particulièrement dans le monde rural, car nombreux sont encore les chinois n’ayant pas les moyens d’accéder à la téléphonie mobile ou pouvant se payer l’ouverture d’une ligne fixe propre.
Troisièmement, il a remis au goût du jour une vieille technologie, dénommé PHS, qui ressemble beaucoup à ce que nous avions connu en France du temps du Be Bop. Ici cela s’appelle le « Xiaolingtong ». C’est un réseau de télécommunications mobiles de faible distance, qui n’est utilisable que dans sa ville de résidence et dont la qualité est mauvaise. Ce service est considéré comme relevant de la téléphonie fixe. Il ne nécessite pas de licence et est facturé au prix d’une communication fixe. La cible principale est urbaine, de faible revenu, plutôt étudiante, femme au foyer ou femme âgée. Ce service a entraîné des investissements importants qui dorénavant vont décroissants et a connu un succès certain malgré une rentabilité que l’on ne connaît pas. Développé il y a quatre ans, China Telecom comptait fin 2005 déjà 57 millions de lignes (+35%). Le réseau commence à connaître un taux d’utilisation important (70%). Reste que ce service est facturé à de très petits prix (10 cents la minute) et que le groupe escompte plutôt sur les revenus annexes (reconnaissance d’identité, sms) pour augmenter le chiffre d’affaires par ligne. Il y a cependant plusieurs points négatifs à signaler : premièrement il n’y a pas de différence de prix entre un combiné portable et un PHS. Le groupe subventionne d’ailleurs à hauteur de 50% l’achat d’un combiné PHS pour un amortissement ensuite plus long. Deuxièmement, le prix des communications mobiles concurrentes baisse très vite. Troisièmement, l’enrichissement de la population et la mauvaise qualité du réseau PHS ainsi que sa couverture très réduire aboutira à une substitution vers le téléphone portable. Le développement de China Telecom dans le PHS est donc réussi mais n’assurera pas l’avenir du groupe.
Le groupe est aussi présent dans la téléphonie fixe longue distance. Là encore il subit la concurrence de nouveaux acteurs alternatifs. Là encore le chiffre d’affaires stagne à 49 milliards RMB. Sur les appels domestiques, le chiffre d’affaires ne baisse que très légèrement (-1% à 26MM de RMB) du fait d’une forte progression des volumes malgré une baisse du prix. Mais à l’international, les prix ont fondu et la hausse des volumes (+3%) ne compense rien. Le chiffre d’affaires à l’international est ainsi en baisse de 10% à 3,4MM. Pour donner un ordre d’idée, en 2 ans, les prix des communications longue distance domestique ont fondu de 26% et les prix à l’international de 12%. Reste le seul secteur qui se porte bien : les interconnexions. Où le groupe profite du développement de la téléphonie fixe et de l’utilisation de portables pour appeler à l’étranger ou sur le réseau domestique. Le chiffre d’affaires de cette entité croit ainsi de 20% à 12,8 milliards.
Tout n’est pas noire au sein du groupe. Le dernier métier affiche une progression régulière. Il s’agit d’ailleurs du seul motif de mélange des activités internet avec celle des nouveaux services téléphoniques.
Cette branche a connu une progression de son activité de 38% l’année passée et son chiffre d’affaires s’est ainsi fixé à 27,8MM, soit 17% de l’activité de China Telecom.
L’activité haut débit Internet connaît un vif succès : le nombre d’abonnés a cru de 52% à 21 million. Cela ne représente même pas 10% des ménages quand 20% selon les statistiques officielles aurait déjà un ordinateur. De plus les perspectives sont encourageantes avec des ventes l’année dernière de PC proches de 20 millions et que l’on estime sur les prochaines années d’un minimum de 15 millions par an. Le revenu par tête se déprécie rapidement (passant de 102 RMB en 2004 à 81 RMB) mais c’est le revers du développement de masse et d’un mix qui va de plus en plus vers les offres les moins chères. L’internet représente environ 18 milliards de chiffre d’affaires.
La deuxième grande activité de cette division correspond à ce que le groupe appelle des services à valeur ajoutée : c’est principalement l’option d’affichage d’identité sur téléphone fixe ou PHS et les textos. Cette entité connaît aussi une forte croissance et représente un peu moins de 10 milliards de chiffre d’affaires.
Les problématiques financières :
La grande question sur China Telecom reste de savoir quel niveau de cash le groupe dégagera ses prochaines années. Le taux d’utilisation de son réseau s’améliore alors que l’entreprise est dans une phase d’achèvement d’investissement dans la téléphonie PHS. Ses investissements sont passés de plus de 56 milliards en 2004, à 53,8 en 2005 et devrait baisser sous les 51 milliards en 2006. Soit autant de cash disponible si le groupe ne se lance pas dans de nouveaux projets pharaoniques…Car en effet, l’entreprise désire se lancer dans la téléphonie mobile 3G ! Ce qui entraînerait des coûts d’installation de réseau gigantesques pour un métier qu’il ne connaît pas encore bien.
Soit donc le groupe devient une machine à cash, soit il se lance dans des projets dépensiers pour un retour sur investissement très incertain. Notons particulièrement que la Chine est peut être encore un marché trop pauvre pour requérir une évolution vers la 3G.
Mon deuxième sujet d’inquiétude : le financement du groupe. Très intelligemment l’entreprise s’est refinancé à court terme pour bénéficier de taux très bas (sa dernière émission était à 2,5%) mais aujourd’hui 60% de sa dette est à court terme. L’ensemble de sa dette s’élève tout même à 140 milliards RMB ! Dès lors, toute hausse de taux d’intérêt se fera fortement sentir sur les frais financiers de l’entreprise et son résultat net.
China Telecom a une capitalisation de 29 milliard ; l’entreprise vaut 10 fois ses résultats à venir. Son rendement est bas à 2,2% car il n’a distribué jusqu’à aujourd’hui qu’une faible part de son cash, privilégiant les investissements. L’entreprise ne vaut pas très cher mais tant qu’il n’y aura pas plus de visibilité sur son développement dans la 3G, il y a peu de chance que son cours s’apprécie.
Commentaire final :
« Drôle de sentiment à propos de cette entreprise. C’est une société où le management est certainement de bonne facture, mais dont les décisions sont retardées par une administration en sureffectif et beaucoup plus lente. »
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