Préambule :
Me voici arrivé en Chine, ou plus exactement à Hong Kong, ce que, de toute façon, la Chine risque de devenir prochainement.
Je vais au cours de ce séjour rencontrer des entreprises chinoises et ce sera l’occasion de me familiariser avec cette économie à la croissance si surprenante.
Pour permettre à mon lecteur de se familiariser de son côté avec l’empire du milieu, j’aimerais reprendre une conférence que nous avons réalisé dans notre entreprise, Dubly Douilhet, il y a de cela plus d’un an et qui faisait suite au travail de deux de mes stagiaires, Quentin et Yun- qui se reconnaitront s’ils ont la bonne idée de conserver des liens avec notre site internet.
Premièrement, mettons en garde le lecteur qui pourrait voir son opinion biaisée par la profusion de produits chinois qu’il rencontre au supermarché. La Chine, s’est réveillée mais l’aube ne vient qu’à peine de poindre. En tout en pour tout, le PIB de la Chine est à peine supérieur à celui de la France. Sa croissance ne représente qu’environ 8% de la croissance mondiale ; dis en d’autres termes, ce n’est pas encore la Chine qui entraîne l’économie mondiale même si l’émergence d’un nouveau pays dans les échanges internationaux a une conséquence importante sur la croissance mondiale qu’elle entraîne. En somme, les Etats unis restent le moteur de l’économie mondiale. Donc aujourd’hui, le pays nous fait peur plus par son potentiel que par son poids réel. Et du potentiel, la Chine en a !
En tout premier lieu, la croissance chinoise repose sur le génie entrepreneurial d’un peuple de 1,3 milliards d’individus (beaucoup plus encore en réalité, mais ne contredisons par tout de suite les statistiques officielles !). Le pays profite d’une natalité qui est aujourd’hui en passe d’être maitrisée mais d’une population toujours jeune. Il profite aussi d’une diaspora énorme qui a été la première à investir dès que le pays s’est ouvert aux capitaux étrangers. La Chine, c’est donc un marché potentiel giganstesque ( déjà 250 millions de personnes avec un pouvoir d’achat proche des niveaux occidentaux) et un réservoir de main d’œuvre ( peut être 800 millions dans l’arrière pays) qui ne l’est pas moins et qui donne l’illusion aux investisseurs étrangers de pouvoir compter éternellement sur une main d’œuvre bon marché et dont la hausse des coûts restera limitée par le grand nombre de demandeurs d’emploi. Notons aussi une des caractéristiques des chinois est cette insatiable soif d’apprendre et de grimper l’échelle sociale. Mon grand-père (qui a employé au cours de sa vie beaucoup de chinois) disait que le chinois a trois avatars : le jeu, la roublardise et le travail. Rajoutons peut être, la soif de connaître ! Et si le personnel qualifié reste une mince minorité (3,5% d’une classe d’âge a par exemple un niveau supérieur à Bac+3), cette minorité à l’échelle du pays représente un chiffe absolu important.
Mais la taille de ce peuple n’a pas que des avantages : à contempler l’histoire du pays, on notera que le pays a rarement été unifié et que la parcellisation du pays est un risque non négligeable. Déjà les inégalités sont flagrantes : les 20% plus riche possèdent 50% de la richesse nationale quand les deux tiers du pays n’en possède que 15%. Au niveau régional aussi, les disparités sont importantes : ainsi, alors que le PIB moyen par tête est de 5000$ par an à Shanghai, il est de seulement 300$ dans la Chine profonde. Aussi, le risque de désagrégation du pays est pris très sérieusement par le gouvernement. Ce qu’on ressent à visiter le pays est que l’Etat a passé un pacte avec son peuple : tant que durera la croissance qui permettra l’enrichissement personnel, le peuple taira ses libertés et ses vélléités d’expression. Et la tâche n’est pas mince : chaque année, les entreprises publiques inefficientes doivent licencier un personnel pléthorique que le tout jeune secteur privé doit absorber. En résumé, l’Etat doit trouver une croissance suffisante pour étouffer toute révolte sociale.
Qu’en est il précisément de l’économie du pays ?
Pour avoir une approche globale, divisons l’économie du pays entre la consommation, l’investissement, la dépense publique et la balance commerciale.
Premièrement, l’investissement est une composante essentielle de la croissance de ce pays : il représente presque 45% de l’économie du pays, ce qui est un niveau extrêmement élevé face à d’autres économies comparées. Depuis l’intégration de la Chine dans l’OMC, les investissements ont cru de plus de 30% par an au point de faire craindre une chute de la rentabilité des capitaux investis et une surchauffe de l’économie. La réalité est personne n’en sait rien et que les besoins du pays restent énormes. Qui verra saura…Ce qui est par contre très intéressant à noter est le niveau élevé des investissements directs étrangers ( les fameux IDE) qui étaient au niveau de 5 milliards de dollar au début des années 90 et qui sont dorénavant de plus de 60 milliards par an. Pour donner un chiffre parlant cela représente 3% du PIB et pourrait expliquer le tiers de la croissance du pays ! Et le monde entier investit dans l’empire du milieu ; ce n’est plus majoritairement le chinois de l’intérieur qui passe par Hong Kong pour être défiscalisé, ni les pays riches (20% seulement des IDEs) mais l’ensemble de la planète qui y investit. Et ce n’est pas non plus seulement des investissements dans des métiers à forte intensité en main d’œuvre : près du tiers des IDEs sont désormais investis dans les métiers à fort contenu technologique ! Reste que le niveau des investissements est si élevés qu’à moins de nouvelles opportunités d’investissement (dans les infrastructures notamment), il pourrait stagner ces prochaines années et ne constituera plus le moteur de la croissance économique chinoise.
Deuxièmement, la balance commerciale est fortement excédentaire. Sur les années 90-2000, elle était régulièrement de plus de 20 milliards de dollar par an. Mais il faut différencier entre les pays occidentaux dont la balance est très négative (-88MM$ pour les USA en 2004) et les pays asiatiques qui profitent du développement chinois (le Japon comme la Corée du Sud ont des excédents commerciaux de plus de 30MM$ avec la Chine). En effet, le pays est devenu un nouveau maillon dans la châine commerciale internationale. Les produits à forte valeur ajoutée sont importées des pays proches et la Chine assemble des sous parties qui seront ensuite réexportés vers les Etats unis ou l’Europe. A regarder la structure des importations et des exportations, cela ressort mieux : le textile représente toujours 38% des exportations, le jouet 11% et les équipements électriques 8% alors que le hardware et l’électronique représentent 28% des exportations et les machines outils 24%. Mais ne jetons pas trop vite la pierre sur ce nouvel impétrant du commerce mondial : 60% des exportations chinoises sont réalisées par des entreprises étrangères ou encore 55% des exportations ont un contenu d’au moins 80% d’imports ! La balance commerciale devrait continuer à croître à mesure que le pays gagne des parts de marché sur de nouveau métier. Reste que les déséquilibres importants ne pourront perdurer trop longtemps sans risquer de déclencher des conflits politiques et économiques ( à quand donc cette fameuse réévaluation du Yuan qui pour certain est sous évalué de près de 20% !)
Troisièmement, la demande intérieure ou plutôt la consommation privée : la baisse des prix des biens durables, la hausse des salaires et l’accès au crédit étranger sont des éléments qui soutiennent la croissance de la consommation. Mais la mentalité chinoise reste trop prudente et les taux d’épargne trop élevés. Dès lors, la consommation a tendance à croître de 8 à 10% par an seulement. On peut espérer que l’évolution démographique naturelle et la faculté des jeunes à plus consommer que les anciens seront autant d’éléments qui pousseront à la consommation, mais tout ralentissement de l’investissement devra être compensé par une hausse plus forte de la consommation ( qui représente plus de 40% du PIB). Et là rien n’est gagné : s’il y a une crise de l’investissement, le peuple pourrait prendre peur et épargner encore plus. On peut seulement espérer un fort développement du crédit à la consommation, qui dans l’Etat du système bancaire ne semblerait pas d’actualité à moins que l’ouverture de ce marché en 2007 soit réelle et permette aux acteurs étrangers de prendre pied en Chine.
La dépense publique (12% du PIB) pourrait devenir un élément moteur de l’économie si l’investissement venait à stagner. En effet, le gouvernement a conscience des grands déséquilibres sociaux et régionaux ainsi que des manques d’infrastructure (comme dans l’électricité ou l’eau) qui pourraient mettre en péril la croissance à long terme du pays. De plus les finances du pays sont bonnes : avec un déficit public de 2,9% et un endettement cumulé qui ne répresente que 27% du PIB (même s’il faudrait intégrer en plus les créances douteuses des banques publiques), le pays a les moyens de vastes plans d’équipements en infrastructures. Tout le challenge du gouvernement est de pouvoir faire face aux goulots d’étranglements dans l’économie qui commencent à se manifester.
En somme, le pays a connu la plus forte croissance mondiale ces dernières années ( près de 10% par an) grâce notamment à son intégration aux flux commerciaux mondiaux ( ne sous estimons pas l’impact de son intégration dans l’OMC) et le boom des investissements que cela a entrâiné. Tout le challenge futur sera de trouver d’autres relais de croissance : la consommation ne semble pas connaître de boom, mais le maintien d’un excédent commercial et l’investissement public pourrait permettre au pays de maintenir des rythmes de croissance toujours élevés dans le futur proche.
Maintenant quels sont les risques ?
Tout d’abord l’évolution des prix en Chine ; le pays a connu une spirale déflationniste (les prix baissaient) au début des années 2000. Mais depuis la hausse des matières premières semblerait y avoir mis fin. A suivre…
Ensuite, le système de financement des entreprises du pays reste fragile : les grandes banques publiques dirigent l’épargne du pays vers le crédit aux entreprises publiques en difficulté, au point que les créances douteuses représentaient, il y a peu, près de 25% du PIB. Le gouvernement a imposé de nouvelles procédures de prêts aux 4 grandes banques publiques et les a recapitalisé mais toute rupture de financement d’entreprises publiques en quasi-faillites pourrait provoquer des licenciements en masse (et une grave crise sociale), alors que le maintien de la situation actuelle n’est pas tenable et que le marché bancaire devrait s’ouvrir d’ici 1 an !
De plus, nombre d’investissements passés semblent hasardeux : dans de nombreux secteurs, les surcapacités existent et pourraient provoquer une chute des rentabilités des capitaux investis donc consécutivement une chute des investissements futurs.
Mais aussi, les goulots d’étranglements se font plus nombreux : la chaîne logistique coûte plus cher, le manque d’électricité pousse à produire la nuit…le pays ne suit donc pas toujours cette course effrénée à la croissance.
Dernièrement, le pays est très fortement consommateur de matières premières et souffre le premier de la hausse de celles-ci : la Chine ne représente-t’elle pas 40% de la consommation mondiale de charbon, 35% de celle de ciment, 30% de celle du minerai de fer… ?
D’autres risques font aussi jour mais apparaissent temporaires. On note ainsi une nette hausse des salaires dans certaines régions (comme Canton) ou en 2004 le coût de la main d’oeuvre a cru de plus de 20%. L’exode rural ne suit pas toujours des zones cotieres en demande excessive de main d’œuvre.
En somme, il y a deux risques majeurs : un risque de mauvaise gestion d’un taux très élevé de croissance économique et un risque d’incapacité à gérer les déséquilibres régionaux, sociaux et les manques en infrastructures.
Conclusion
La Chine n’est pas un colosse au pieds d’argile. Sa transition économique est bien gérée par un Etat autoritaire dont le souci est de privilégier un maximum de croissance, un enrichissement des plus rapide et son maintien indéfini au pouvoir : une belle leçon de pragmatisme ou un machiavélisme absolu !
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