Les trois grands formats en Chine :
Présentons en premier lieu les 3 grands types de surfaces de distribution suivant leur proximité avec leur clientèle.
Au plus proche du client, il existe en Chine un très grand nombre de ce que les québécois appelle les « dépanneurs » ; des petites surfaces de 50 mètres carré où l’on peut se fournir en sandwich, snack, plats préparés (pâtes) boissons diverses et journaux. Beaucoup sont ouvertes 24h/24 ou très tard et 7 jours sur 7. Le format connaît un développement rapide même si le flux ne semble pas être toujours au rendez-vous. L’exemple même de ce format est la chaîne Lawson ou encore la chaîne japonaise plus connue ; 7-eleven.
Se développe parallèlement des chaînes de supermarché, qu’elles soient locales ou étrangères, plutôt fondée sur le hard-discount. Le phénomène est récent et leur positionnement n’est pas toujours très clair.
Enfin, le concept de l’hypermarché connaît une très forte croissance. Ce format dispose d’une bonne visibilité auprès de la clientèle chinoise et il est toujours étonnant d’écouter des locaux apprécier les différences entre les grandes marques d’hyper.
La surface de référence est de l’ordre de 10 000 m2 dont plus de la moitié consacrée à l’alimentaire. Les rayons produits frais sont de taille plus importante qu’en France avec notamment l’accent mis sur le rayon boucherie, poissonnerie et légumes. La boucherie est par exemple complétement ouverte face au client pour que celui-ci soit témoin de la bonne conservation de la viande.
Le rayon de couverture d’un magasin est de l’ordre de 15-20 minutes en vélo et d’autant en bus. Seule une faible partie de la clientèle vient en voiture (moins du dizième à Shanghai qui est pourtant une ville au revenu élevé). La majorité des clients viennent en vélo, à pied ou encore par les bus affrétés par l’entreprise de distribution. Les consommateurs ne sont pas seulement les chinois au revenu élevé mais concerne l’ensemble de la population.
Le consommateur chinois :
Globalement, le consommateur chinois recherche trois choses : d’une part un grand choix de produit, d’autre part la sécurité alimentaire et enfin une disposition claire des produits. Il est difficile de percevoir l’importance de la sécurité alimentaire pour un chinois, mais la chaîne logistique ayant été par le passé si mauvaise en Chine que nombre de produits arrivaient avariés sur l’étalage ou bien décongelés et recongelés.
Marché et perspective dans la grande distribution :
La grande distribution a connu une croissance exponentielle ces dernières années. Fin 2003, il y avait près de 40 000 points de vente dont 8000 ouvert dans l’année (+27% !). En 2004, les ventes au détail ont atteint près de 600 MM$.
Depuis fin 2004, deux facteurs ont soutenu la forte croissance du secteur ; d’une part la clarification du statut de la franchise ( qui explique principalement le grand nombre d’ouverture de petites surfaces de proximité) et la disparition de restrictions sur les investissements étrangers suite aux accords de l’OMC. A noter enfin que si les approbations d’ouverture étaient données auparavant par les gouvernements régionaux, elles le sont aujourd’hui par le gouvernement central. Cela clarifieraient les règles d’ouverture mais a aussi tendance à les retarder.
A long terme, la distribution en Chine devrait continuer à profiter d’une forte croissance pour plusieurs raisons :
1) Seule une faible part de la Chine est couverte de grande surface. Il y a certes déjà 100 hypermarchés dans la région de Shanghai (13 mil habitants) mais beaucoup moins à Chongqing (+30 mil habitants). La surface de vente se concentre aujourd’hui à 75% sur la Chine cotière.
2) L’urbanisme communiste favorise le creusement de grandes artères, l’accès à la culture automobile et la disparition de marchands ambulants.
3) L’exode rural tire la croissance démographique des villes.
4) Du fait de la volonté marquée du gouvernement de favoriser dorénavant l’emploi tertiaire plutôt qu’industriel. De plus, le développement de la grande distribution oblige à une nécessaire réorganisation de la chaîne logistique et agricole chinoise.
5)Enfin du fait d’une baisse progressive du taux d’épargne et d’une propension plus importante à consommer de ménages chinois qui s’enrichissent de 5 à 10% par an.
Notons de plus que la rentabilité du secteur est relativement élevée malgré la forte concurrence et qu’il y a une réserve importante d’appréciation des marges non seulement en améliorant le chiffre d’affaires au mètre carré mais aussi en restructurant sa chaîne logistique et en pesant sur ses fournisseurs qui ne semblent pas aujourd’hui bien comprimés. En somme aujourd’hui tout le monde se concentre sur la sécurisation de ses approvisionnements plutôt que sur la pression sur les fournisseurs de produits locaux.
La concurrence dans le secteur :
Pour prendre la distribution alimentaire seule, il y a trois types de concurrents :
Premièrement, les marchés locaux (wet markets) ; il reste encore beaucoup de marchands ambulants même si ceux ci disparaissent vite des quartiers réaménagés. Un fournisseur de légumes tel que Chaoda considèrent que les prix au détail y sont encore inférieurs de 10 à 20% au prix de la grande distribution. La proximité et la faiblesse des prix sont les raisons qui expliquent leur survie.
Deuxièmement, les acteurs locaux, qu’ils soient issus des grandes chaînes communistes ou non. Ces chaînes sont des pâles copies des distributeurs étrangers. La logistique est rarement bonne, le choix souvent plus limité et l’organisation du magasin difficile à comprendre même pour un chinois habitué. Le gouvernement tient absolument à faire émerger des champions nationaux ; il pousse les petits acteurs à fusionner et les favoriseraient dans l’obtention de nouveaux emplacements. Reste que cette course aux emplacements est débridée et que nombre de sites n’ont pas de logique économique. Les chinois veulent occuper le terrain au plus vite sans chercher à rentabiliser leur magasin. Une grande chaîne se démarque par sa taille (et non par son efficience) : Shanghai Bailin avec déjà plus de 5000 magasins et un chiffre d’affaires supérieur à 7 milliards d’Euro. De plus en plus d’acteurs sont cotés, tels que Wu-mart ou A-Best, ce qui devrait les pousser à clarifier leur stratégies financières.
Reste les acteurs étrangers : on trouve la majorité des acteurs mondiaux. Tout d’abord quelques grands groupes régionaux tels que le thailandais Lotus ou le taiwanais Trustmart. Mais aussi les grandes multinationales occidentales ; Carrefour, Wal-mart ou encore Auchan. Leur stratégie de développement est très différente suivant les entreprises : certaines privilégient la croissance la plus rapide, d’autre l’optimisation des résultats au mètre carré. Globalement, ces chaînes profitent d’une image de marque positive : le consommateur chinois leur fait plus confiance qu’aux concurrents locaux, en terme de choix et surtout de qualité.
Au total, le marché de la distribution regroupe près de 970 acteurs, du géant international au petit poucet local.
Ma visite chez Auchan :
Suite à une visite au sein d’Auchan Chine, j’ai reccueilli plusieurs informations qu’il me semble important de partager et qui ne relève pas de la confidence :
La clientèle chinoise commence à se faire une idée très claire des différentes marques occidentales : Auchan apparaît plutôt comme un distributeur au prix discount du même niveau que le wet market. Carrefour est plutôt réputé pour sa gamme plus large mais des prix supérieurs.
Si la taille moyenne d’un hyper est relativement similaire dans le pays et entre acteurs (entre 8000 et 10 000 m2), le revenu par magasin est très différent par chaîne : Auchan réaliserait 340mRMB par magasin contre 260 pour Carrefour et 180 pour Wal mart.
Le ticket moyen est très faible, entre 6 à 8€ mais le flux est deux fois plus élevé qu’en Europe. Chaque jour un magasin compte de 10 000 à 30 000 clients.
La rentabilité d’un magasin est proche du niveau européen (pour un groupe comme auchan au développement limité en Chine). La marge d’excédent brut sur chiffre d’affaires pourrait être proche de 6%.
Le personnel est aussi nombreux qu’en France, mais il est beaucoup moins en entrepôts et plus dans le magasin. Les salaires connaissent des inflations de 5 à 10% par an pour le personnel qualifié, même si un groupe comme Auchan veut fidéliser sa main d’œuvre en développant la gamme de ses intéressements traditionnels.
Le niveau des stocks est bien moindre qu’ en France; il y aurait en Chine 15 jours en moins de stocks !
Le coût d’ouverture d’un magasin est difficile à appréhender. Le terrain ne peut s’acquérir en lui-même. Seul le droit d’exploitation est concédé sous la forme d’un lease de 40 ans. Pour donner cependant un ordre d’idée. Dans un quartier au revenu moyen de Shanghai, le prix du construit au m2 est de 12 000RMB. Disons que globalement un magasin coûte de 10 à 20 millions €.
Le chiffre d’affaires comparable au mètre carré d’Auchan (seulement 13 magasins en Chine) croit de plus de 10%/an. Celui de Carrefour de l’ordre de 3%/an. La forte croissance de Xia Le Fu (La maison du bonheur ou Carrefour en Chinois) se fait au détriment de sa rentabilité.
Que penser de la grande distribution en Chine ?
C’est un secteur très porteur où la concurrence est très nombreuse mais où les marges restent relativement bonnes. La course aux emplacements devraient continuer peut être 3 ou 4 ans encore mais le gouvernement a affiché sa volonté de restructurer les acteurs locaux. De plus la cotation des nouveaux acteurs chinois devraient les pousser à un peu plus de discipline. Une guerre des prix ne semble donc pas de mise à moyen terme. Quand celle ci arrivera, je pense que les acteurs auront des marges de manœuvres auprès de leurs fournisseurs pour limiter l’impact sur leurs marges.
Commentaires