Note préliminaire: Cet article sera publié modifié dans notre revue trimestrielle du mois de juillet.
Peu connaissent le nom du chinois le plus riche du monde et encore moins celui de ses entreprises. Pourtant l’homme a un patrimoine estimé à 13 milliards de dollar et des participations dans de nombreux secteurs en Asie comme en Europe.
Li Ka Shing, aujourd’hui âgé de 76 ans, est le self made man chinois par excellence. Il commence à travailler à 15 ans et vend des gadgets en plastique dans les ruelles de Hong Kong. A 20 ans, il devient le patron de l’entreprise qui le fournissait en gadgets, puis à 22 ans, il crée sa première société de fabrication de fleurs en plastiques qui va connaître rapidement le succès. En 1958, son capital de départ de 7500$ s’est transformé en plus de 1 millions de dollars de l’époque.
Le deuxième moment fort dans sa vie professionnelle intervient en 1979 lorsqu’il rachète une petite entreprise locale Hutchinson Whampoa et en fera vite l’une des premières capitalisation de Hong Kong, mélangeant management occidental et intrigues à la chinoise. Le groupe se diversifie tôt dans l’immobilier et profite de la forte hausse de ce secteur dans les années 70 et 80 qui finance aujourd’hui une diversification plus large encore.
Celui que les chinois surnomme « Chiu Yan » (superman en chinois) a deux fils : le premier, Richard est devenu patron de PCCW, le principal opérateur de télécommunications fixes de la péninsule. Le deuxième Victor, dont le kidnapping reste encore incompréhensible, est maintenant l’un des directeurs du groupe. Li Ka Shing a des connexions partout et particulièrement en Chine depuis qu’il a servi d’intermédiaire entre Deng Xiaoping et le gouvernement anglais en vue de la rétrocession de Hong Kong. Il en a gardé de fidèles amitiés qui explique son développement réussi en Chine continentale. On se demandera comment un individu a ainsi obtenu 2,5% de la Bank of China avant même sa cotation ?
La galaxie Li Ka Shing comprend de nombreuses sociétés écran et la vraie valeur du patrimoine de l’homme est toujours difficile à quantifier. La fondation phare, dont l’homme et sa famille sont les principaux bénéficiaires est détentrice de 36% d’une première holding Cheung Kong, qui possède des actifs propres dans l’immobilier, 50% dans Hutchinson Whampoa et enfin des participations diverses dans des entreprises de média (14% de Tom com) ou pharmaceutiques (40% de CK Life).
Hutchinson, l’actif le plus important du groupe, bien que méconnue en France est une entreprise de 200 000 personnes présente dans 54 pays. Avec une capitalisation de près de 80 milliards de dollar, le groupe représente 11% de la capitalisation de Hong Kong.
L’entreprise est présente dans 5 métiers :
Premièrement, Li Ka Shing sent le vent de la mondialisation et investit dans la gestion portuaire. Hutchinson est depuis l’acquisition du port de Félixstowe en Grande-Bretagne, devenu le premier opérateur portuaire mondial. Le groupe a plus de 187 quais dans 35 ports dans le monde et notamment dans 5 des 7 les plus actifs. A Hong Kong, c’est l’opérateur dominant du port de Kwai Cheung. Le groupe a su aussi investir intelligemment dans des participations en Chine (Shanghai, Ningbo, Beilun) et se renforcer en Europe. Un seul chiffre : sa filiale ECT contrôle 75% du trafic de Rotterdam. Et ce n’est qu’une parmi tant d’autres ! Le chinois est même présent dans le port du Havre.
La filiale la moins rémunératrice mais la plus prometteuse est celle des télécoms, tout de même créé en 1985. Le groupe y a deux entités : HTIL qui gère les filiales dans la téléphonie 2G et dont le groupe ne détient plus que 50% et 3, la marque d’Hutchinson dans la téléphonie de nouvelle génération (3G). La première gère les opérations en Israel et dans les pays émergents. Elle déclare près de 17 millions d’abonnés. La deuxième regroupe principalement les activités en Italie (6 millions d’utilisateurs 3G soit 8% de parts de marché) et en Angleterre où les résultats sont moins glorieux. Hutchinson a obtenu un grand nombres de licences 3G en Europe et est l’opérateur le plus actif dans le développement de cette norme. Réalisera-t’il un bon investissement ? C’est toute la question. Mais rappelons que Hutchinson fut à l’origine de l’entreprise Orange qu’il a revendu à Mannesman avant que celle-ci soit cédée à France Télécom. Lors de cette opération la vente s’éleva à 15 milliards de dollar pour une plus value…de 14,6milliards !
Hutchinson Whampoa est aussi présent dans l’immobilier : le groupe construit, achète , vend ou loue des surfaces commerciales ou résidentielles. Si la totalité de ses loyers proviennent de Hong Kong, 95% de ses projets immobiliers sont dorénavant en Chine. L’entreprise est l’un des rares acteurs non chinois à avoir pu se développer dans l’empire du milieu où il se concentre dans l’immobilier de bureau et le résidentiel de luxe. L’immobilier chinois connaît peut être bien une bulle spéculative mais les perspectives à long terme dans certaines villes et métiers niche peuvent intéresser le spécialiste qu’est Li Ka Shing.
Le nouveau pôle de développement du groupe est la distribution : le groupe est déjà un acteur dominant à Hong Kong où il vend tout ; du produit de beauté, à l’eau et au vin. Mais l’accent a surtout été mis sur un développement organique en Chine et une croissance par acquisition en Europe. La filiale AS Watson est devenu en très peu de temps le premier distributeur mondial de produits de beauté et d’hygiène avec 7100 magasins répartis dans 36 pays. Le groupe a procédé en plusieurs étapes : en 2002 il rachète le néerlandais Kruidvat (avec notamment les magasins Superdrug en Angleterre) puis en 2005, pour 900 millions d’Euro, la chaîne française Marionnaud.
Enfin, Hutchinson est présent dans l’énergie et les infrastructures : En 1985, il fera l’acquisition 39% de Hong Kong Electric, le principal producteur d’électricité de l’Île et valorisé plus de 70 milliards de HK $. Puis viendra celle d’Husky Energy (35), producteur canadien de pétrole et de gaz, et bien positionné dans le secteur porteur des sables bitumineux.
Hutchinson Whampoa est un conglomérat actif dans de très nombreux métiers et dont les synergies semblent bien faibles. Mais Li Ka Shing ne raisonne pas comme un industriel et a fait de son entreprise un outil d’investissement financier : il rentre rapidement dans de nouveaux métiers et en sort tout aussi rapidement. Le financier chinois de génie a senti le vaste mouvement de mondialisation (en investissant dans les ports), l’explosion de l’immobilier a Hong Kong ou encore la bulle spéculative dans les télécoms en Europe. Aujourd’hui, il se concentre sur la construction immobilière en Chine intérieure, le développement subventionné de la pharmacie et de la biotechnologie à Hong Kong, la distribution de produits d’hygiène et de beauté et l’industrie des médias en Chine (avec une participation dans Tom Group éditeur de magazines et d’internet en langue chinoise comme gestionnaire de droits sportifs dans l’empire du milieu).
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