Rappelons préalablement que le prix du pétrole (WTI) s’est fixé l’année passée sur une moyenne de 56,6$ par baril soit une hausse de 36% relativement à l’année précédente. En Chine, le pays est devenu importateur net depuis plusieurs années. Sur l’année 2005, les importations nettes ont cru de seulement 1,7% à 119 millions de tonnes, du fait d’une hausse plus importante que prévue de la production nationale. Parallèlement, la consommation a cru de 4,7% à 164 millions de tonnes.
Petrochina provient de la dissolution en 1989 du ministère du pétrole. 2 entreprises sont alors créées : d’un côté Sinopec principalement présent dans l’aval pétrolier (raffinage et distribution) et de l’autre CNPC, avant tout présent dans l’exploration et production. Après 1998, des échanges d’actifs entre les deux groupes ont lieu, qui permet de créer deux géants pétroliers intégrés mais ayant des positions différemment dominantes au nord ou au sud de la Chine. CNPC, le leader de l’amont en Chine décide en 2000 d’introduire sa filiale Petrochina qui rassemble la majorité de ses actifs. La maison mère a l’objectif de ne conserver que 75% du capital, mais l’introduction est si importante pour le petit marché chinois d’alors, qu’elle devra en conserver 90%.
Petrochina étant coté à New York sous la forme d’ADR, il est possible d’avoir des comptes précis du groupe en dollar. En 2005, le groupe a profité de l’excellent environnement pétrolier et a publié un chiffre d’affaires de 68,4 milliards de dollar, en hausse de 43%. Son résultat d’exploitation était quant à lui en hausse de 31% à 23,8 milliards (soit une marge de 35%) avec des tendances différentes suivant les métiers ; d’un côté, l’amont se porte bien avec une hausse du résultat de 64%. De l’autre l’aval affiche une perte sérieuse (2,5 milliards) contre un profit l’année précédente. Enfin, l’activité chimique voit son profit opérationnel divisé par deux alors que l’activité gaz reste encore marginale pour représenter une contribution importante aux résultats du groupe. Globalement, le résultat net a tout de même progressé de 32%. 2005 a donc été une année record !
L’activité amont :
La stratégie du groupe dans l’exploration production est de renouveller au mieux les réserves en pétrole et d’accélérer son développement dans le gaz aux réserves plus faciles d’accès et au coût de développement inférieur. Cette partie gazière reste marginale mais la production de gaz croit chaque année à des rythmes de l’ordre de 20 à 30% et Pétrochina dispose déjà de réserves importantes (plus de 42 ans de production). Dans le pétrole, la croissance est moins glorieuse. Le groupe a du mal à remplacer ses réserves chaque année et tente de limiter le vieillissement de ses champs actuels.
Dans le pétrole, Petrochina fait face à deux problèmes :
D’une part la moitié de sa production provient d’une zone d’exploitation (Songliao) où les champs perdent en capacité très rapidement (ce que l’on appelle la déplétion). Résultat, les coûts d’exploitation s’envolent : s’ ils avaient été ramenés en 2002 à quelques 4,3$ par baril, ils sont dorénavant de près de 5,3$ par baril. La raison principale ; les coûts d’exploitation du champ principal (Daqiz) sont passés en un an de 4,16$ à 4,8$. Le puit vieillit très vite et nécessite des technologies de plus en plus évoluées pour maintenir son débit, alors que parallèlement le coût des matières premières et des équipements augmente et que les salaires des employés croissent de 5 à 10% par an.
D’autre part les réserves disponibles manquent en Chine et oblige à un développement rapide à l’international. Le groupe a racheté des actifs en indonésie en 2004 mais c’est surtout l’année dernière que les choses se sont précipitées. La maison-mère CNPC a conclu un accord pour mettre dans une joint-venture commune avec sa filiale Petrochina la majorité de ses actifs internationaux. Naturellement, les projets à caractère politique (le Soudan avec la zone pétrolière du Darfour ou encore l’Irak) restent logés au sein de la maison-mère. Mais Petrochina a récupèré ainsi un grand nombre de zones d’exploration (Venezuela, Canada, Pérou, Tchad..) et de production (Algérie, Kazakhstan). -On rappelera d’ailleurs que CNPC est le pétrolier chinois qui avait racheté l’année passée le groupe Petro-kazakhstan.- Enfin, le groupe a obtenu des autorisations de prospection dans l’off-shore chinois qui semblent pour l’instant infructueuses.
L’objectif du groupe dans l’amont n’a pas changé : croître sa production de pétrole de 1% par an et de gaz de près de 30% tout en développant parallèlement les infrastructures de distribution qui lui permettront de trouver une nouvelle clientèle pour écouler cette forte hausse de sa production de gaz.
Le seul métier véritablement porteur est donc le gaz : le groupe a découvert quelques très importants gisement et tente de construire rapidement des pipelines pour distribuer son gaz vers les grandes villes du Nord. Le groupe croit d’ailleurs beaucoup au gaz : en 2010, si la demande de gaz pourrait être de 700 milliards de mètre cubes du fait d’une forte hausse de la consommation urbaine et du développement d’usines de production électrique à partir de cette énergie, le déséquilibre entre l’offre et la demande pourrait être encore de 80MM malgré un développement rapide de tous les acteurs concernés. Ce secteur est donc stratégique. Petrochina est encore un petit acteur dans ce domaine avec seulement 888 million de pieds cube vendus mais possède déjà un réseau de transport de plus de 20 000 km et produit déjà deux fois plus de gaz qu’en 2000. La contribution de cette activité reste encore marginale mais est appelée à grandir.
Globalement la production de brut de Petrochina a été en faible hausse à 822,9 million de baril (ou 2,25 millions de baril jour soit +1%). La majeure partie de la hausse provient des nouveaux actifs récemment acquis. Dans le gaz le groupe par contre se développe rapidement avec une production à 1119 million de pied cube par an, en hausse de 28% ! A noter finalement, que le prix de vente réalisés par le groupe est inférieur de près de 8$ par baril au WTI ; cela s’explique principalement par la mauvaise qualité du pétrole brut produit par Pétrochina (qui est trop lourd !).
L’aval : le raffinage et la distribution.
Le groupe est aussi un acteur important dans l’aval pétrolier. C’est le deuxième raffineur du pays avec 25 raffineries et une capacité de process l’année passée de 752 million de baril (ou 2,06 million de baril jour en hausse de 6%). Petrochina a produit en 2005 près de 66 million de tonnes de produits finis avec un penchant important pour le diesel. 89% du pétrole raffiné est fourni en interne par l’activité amont ; le reste est importé. Malgré un taux d’utilisation élevé (95% contre une moyenne nationale de 90%), cette branche a réalisé une perte sérieuse en 2005 du fait d’une hausse des coûts (électricité, main d’œuvre,matières premières) mais principalement de l’incapacité réglementaire du groupe à reporter la hausse du prix du baril sur le consommateur final. Ainsi la marge de raffinage a été particulièrement basse l’année passée à 91 renminbi par tonne ! La fixation du prix de ventes du pétrole est un mystère en Chine que même les grands groupes pétroliers ne semblent pas comprendre. Le gouvernement fixe le prix de vente relativement à un panier de comparables internationaux mais l’ajuste finalement souvent à sa manière personnelle. La transparence n’est donc toujours pas de mise. Pire encore, le gouvernement veut profiter de l’aubaine pétrolière pour augmenter sa taxation du pétrole à près de 40% dès lors que le prix franchit 40$.
De plus Petrochina est présent dans la distribution finale. Le groupe gère ou est propriétaire de plus de 18000 stations services. Si le nombre de stations a cru de seulement 4% en 2005, les volumes ont cru de 26%. Le groupe profite ainsi du boom automobile que connaît actuellement la Chine : à titre d’exemple si il y avait il y a quatre ans à Pékin environ 1,5 millions de voitures, il y en a aujourd’hui 2,6 ! Notons que Petrochina a 32% de parts de marché sur l’ensemble de la Chine avec même des parts de marché dans la distribution qui atteignent 80% dans certaines provinces.
La chimie :
Enfin Pétrochina est présent dans la chimie avec 12 usines. Le groupe a produit en 2005 près de 1,9 millions de tonnes d’éthylène, 2,7 m de tonnes de résines synthétiques ou encore 3,6 m de tonnes d’Urée. C’est un acteur majeur sur la scène chinoise.
Si le groupe au peu investi ces dernières années dans ces activités, privilégiant l’amont, cela devrait changer prochainement. Petrochina considère en effet que plusieurs de ces métiers ont un fort potentiel. Dans l’éthylène où la demande croit chaque année et où le pays importe 40% de ses besoins, Petrochina qui n’a que 24% de parts de marché pense pouvoir gagner sur les volumes importés. Le groupe n’a aujourd’hui que 1,9 m de tonnes de capacité mais désire atteindre les 5 millions d’ici 2010. Soit quasiment un triplement de capacité en quatre ans !
En général, le résultat de cette branche a fondu l’année passée sous l’effet d’une hausse du pétrole et des coûts de production alors que les prix restent fortement régulés.
Bien que mammouth, avec 430 000 employés, c’est un groupe bien géré qui bénéficie d’une forte génération de cash flow (204 milliards de Renminbi) qui finance largement ses investissements (pourtant de 92MMRMB) et permet au groupe de se désendetter. Son gearing est de seulement 11% ce qui lui permettra de réaliser des acquisitions importantes. C’est d’ailleurs tout le problème ; le groupe pour diversifier ses réserves pétrolières et accroître son taux de croissance pourrait être amené à racheter à vil prix des actifs riches en hydrocarbures.
Le problème est plus sectoriel que lié à l’entreprise elle-même : on ne comprend pas véritablement comment les prix de l’essence sont fixés. Ce que l’on sait par contre est que l’Etat veut limiter l’inflation des prix à la pompe pour ne pas se mettre à dos les automobilistes. Dès lors en période de prix du baril élevé, les activités de raffinage et de distribution dégage comptablement des pertes alors que celles d’exploration et production réalise des résultats record.
Pour qui voudrait investir dans le domaine pétrolier, Pétrochina n’est pas le bon véhicule : d’un côté, le groupe a le même problème que les grands pétroliers occidentaux (difficulté à renouveler ses réserves), de l’autre il n’a pas les avantages des pétroliers émergents (les réserves ne sont pas très importantes, la technologie est en retard, le groupe manque de diversification et a du mal à traduire à la pompe les hausses de prix du brut). Petrochina n'est pas une valeur a suivre dans le secteur, a moins de croire en la politique etrangere chinoise (au darfour ou en Afrique en general) qui a une morale toute propre.
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