En Chine, le monde rural représente officiellement 800 millions de personnes soit 70% de la population. L’agriculture seule emploie 50% de la population active mais ne représente que 14% du PIB. Ce secteur contribue peu à la richesse nationale et est particulièrement sous-productif : on estime qu’encore aujourd’hui, environ 170 millions de personnes seraient sous employées.
Bref rappel historique :
La collectivisation des terres commencent partiellement dès l’installation du parti communiste au pouvoir, mais ne devient totale que vers 1959, avec les « communes populaires »-l’organisation parfaite et douce de la cité idéale vue par notre cher Mao. En 1979, sous l’instigation de Deng Xiaoping, commencent les premières réformes, dont certaines étaient déjà officieuses : les communes populaires sont supprimées et les paysans deviennent individuellement responsables de la production sur des terres encore collectives dans le cadre de contrat forfaitaire conclu pour 15 ans. 4 ans, plus tard en 1988, les baux sont étendus à 30 ans. Si la terre ne peut devenir entière propriété du paysan –ce qui remettrait définitivement en cause l’origine communiste de l’Etat- les baux deviennent de plus en plus long et les agriculteurs commencent à se rêver propriétaires. Dès lors, les rendements ont fortement cru et la famine est devenu un souvenir bien lointain. C’est le manque de productivité agricole qui est peut être à l’origine du grand tournant capitaliste de la Chine au début des années 1980.
La vitesse des réformes s’est amplifiée avec l’intégration de la Chine dans l’Organisation Mondiale du Commerce, sonnant le glas d’une agriculture planifiée. Les dernières restrictions sont en train de disparaître et notamment les divers systèmes de soutien des prix (sucre, coton…).
Quelques données sur l’agriculture :
La surface totale des cultures représente 127 millions d’hectares, soit 14% de la superficie du pays. Les 4 cinquièmes des terres sont en dessous de 500 mètre d’altitude et bénéficient d’un climat de mousson favorable qui permet plusieurs récoltes par an. Si la moyenne nationale se situe autour de 2, certaines régions au sud du Yangzi permettent plus de 3 récoltes par an ; la fertilité du sol n’empêche cependant pas l’utilisation massive d’engrais. Les actifs agricoles sont estimés entre 300 et 350 millions de personnes pour environ 200 millions d’exploitation. Autant dire que la taille de la parcelle agricole est petite : la surface moyenne dans le pays est de 0,5 hectare (en France, c’est aujourd’hui de près de 42ha), et de 0,2 dans les cultures maraîchères.
La production agricole :
Les productions du pays sont diverses : Dans les grains, le pays qui produisait 500 millions de tonnes en 1995, n’en produisait plus que 450 en 2001 et les surfaces cultivés ont diminué ; les prix bas passés, des niveaux de stocks élevés, l’érosion des sols, quelques sécheresses ou encore la préférence pour les cultures maraîchères expliquent cette baisse de production. La Chine produit annuellement environ 170 millions de tonnes de riz, 90 de blé ou 121 de maïs (statistiques 2001). Le pays importe de plus en plus. Dans les légumes, la production est de 530 million de tonnes et dans les fruits de 69 mt (dont une forte majorité de pomme). Les cultures maraîchères ont du succès car l’exode rural aboutit à une modification du régime alimentaire et notamment à une moindre consommation de riz et une plus forte consommation de légumes, et de manière plus variées. La Chine est notamment auto-suffisante et pourrait à l’avenir exporter dans ce domaine où le coût de la main d’œuvre l’avantage. L’élevage représente 26% de la valeur de la production agricole. La Chine produit par exemple 65 millions de tonnes de viande par an et est le premier producteur mondial de viande de porc. La production aquatique est un secteur en forte croissance : la production y est de 45 millions de tonnes par an (dont la moitié pour les poissons d’eau douce), mais la pollution des eaux devient de plus en plus problématique alors que la demande augmente rapidement.
Malgré une demande en progression régulière (non du fait de la progression démographique mais par l’enrichissement même de la population), le revenu des paysans reste très bas. Pire, s’il était égal au revenu du citadin il y a 20 ans, il ne représente aujourd’hui plus que le tiers. Certes quelques agriculteurs ont profité du boom urbain et de la libéralisation des prix, mais globalement le secteur est sous-productif et les parcelles trop petites. Le gouvernement contient autoritairement l’exode rural- qui voudrait de 150 millions de citadins en plus dans des cités déjà champignon?-, mais un trop grand décalage de richesse risque d’entraîner de graves problèmes sociaux. Aussi, l’amélioration du revenu agricole est devenu une priorité de Pékin, dont le budget à l’agriculture a été augmenté cette année de 20% (150 milliards de RMB) dont une partie non négligeable d’aides directes. Autant dire une goutte d’eau, qui n’est pas prêt de régler le problème, surtout que la réelle priorité du gouvernement est la création d’une chaîne de transformation agro-alimentaire et la consolidation de grands groupes nationaux (Bright Dairy, Huiyan, New Hope…) plutôt que l’amélioration de la productivité agricole même. Notons que moins de 30% de la production agricole est transformée dont près de la moitié n’est qu’une première transformation (usinage du riz, abattage, meunerie..), qu’une grande partie concerne la production de boisson ou de tabac et que seul 20% est de la transformation avancée (boulangerie, confiserie..).
La situation de l’agriculture devient pourtant problématique : les terres fertiles se rarifient à force de déforestation, de surpâturage, ou suite à des problèmes d’irrigation (érosion des sols, désertification, salinisation…). L’eau est autre problème majeur : dans le sud de la Chine, 80% des ressources en eau du pays se concentre sur le tiers des surfaces cultivables. C’est l’inverse dans les plaines du nord où les situations critiques sont nombreuses. La pollution est le troisième problème : dans les céréales mêmes, on commence à voir des production de mauvaise qualité et notamment un gros problème de résidus (engrais, pesticides) alors qu’aucun système de contrôle n’a été mis en place.
L’utilisation d’OGM, ou le contrôle des nappes, des sols et de la production agricole, ne seront que des réponses partielles. L’agriculture chinoise est sur une mauvaise pente : l’intensification de la production n’arrangera rien. Pire le monde rural chinois encore autoritairement encadré pourrait être à l’origine de revendications sociales. Globalement, c’est toute l’éco-système chinois qui est à repenser !
NB : Je vous invite à lire mon article sur Chaoda, une entreprise agricole intéressante dans ce contexte de pénurie des sols et de pollution.
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