Aracruz est le premier producteur mondial de pulpe d’eucalyptus, métier méconnu mais qui après quelques données financières attirera votre attention. Vous voudrez bien excuser les traductions approximatives qui vont suivre.
Qu ‘est ce que la pulpe de bois ? Ce sont des copeaux de bois qui suite à un processus chimique servent à produire papier et mouchoirs. On discerne le bois doux du bois dur. La pulpe de bois dur a connu ces dernières années une forte croissance et plus particulièrement la pulpe d’Eucalyptus dont les caractéristiques physiques sont recherchées.
Globalement, le marché du papier a connu une croissance en volume de 3%/an sur les 15 dernières années tiré par la demande asiatique qui aujourd’hui représente presque la moitié des volumes mondiaux.(Notons ainsi que la Chine a représenté 55% de la hausse de la demande de pulpe pour papier entre les années 1997 et 2003). Si on pense traditionnellement que le papier n’est pas un marché porteur (avec notamment sa substitution par l’informatique), cela n’est pas tout à fait vrai. La consommation de toutes les formes de papier à base de pulpe était de 303 kg par habitant et par an aux Etats unis et de seulement 42 kg en Chine. L’émergence des PVDs s’accompagne donc d’une hausse de la demande en pulpe.
La capacité de production de pulpe en général représente 192 millions de tonnes, principalement installée en Amérique du Nord (40%) et en Europe (30%) mais peu encore en Amérique latine (seulement 9% de la capacité mondiale malgré des coûts avantageux). On note le développement de production en Amérique latine et de nombreuses fermetures de capacités dans les pays riches où le coût de production est trop élevé.
Le marché de la pulpe de bois dur représente 45 millions de tonnes dont 20% proviennent d’Eucalyptus. La pulpe d’Eucalyptus a connu une croissance de 7%/an sur la même période et Aracruz, l’entreprise brésilienne qui nous intéresse à présent, a connu, elle, une croissance de 12% par an sur les 15 dernières années. Aujourd’hui le groupe a 12% de parts de marché dans le monde sur le bois dur et 26% pour l’Eucalyptus seul.
La hausse de la demande asiatique a tiré les prix des bois durs et particulièrement de l’Eucalyptus vers le haut ces dernières années. Si en 1993 le prix était de l’ordre de 300-400$ la tonne, il a dépassé depuis quelques mois les 600$ et la saisonnalité traditionnelle (les stocks montent en prévision des campagnes publicitaires de fin d’année) se fait moins sentir.
Le principal avantage d’Aracruz est de profiter de coût de production très bas. Au deuxième trimestre 2006, son coût moyen de production hors amortissement était de 238$ la tonne, contre 266$ en Indonésie (le deuxième pays au plus bas coût) mais 417$ en Finlande et 507 au Canada.
Comment expliquer un si faible coût de production ? A regarder dans le détail la répartition des différents postes- le bois représente 39%, le processus chimique 18%, la maintenance 19% et le personnel 9%- les avantages d’Aracruz sont multiples : en premier lieu, le groupe est fortement automatisé (par externalisation de fonctions et réduction de main d’œuvre, la productivité par employé est passé de 67 tonnes par employés il y a 20 ans à 1240 aujourd’hui) et son coût de main d’œuvre est faible. En deuxième lieu, l’entreprise profite de la très forte fertilité des sols du Brésil. En moyenne un Eucalyptus demande environ 6 ans pour atteindre sa taille économique quand on ne peut abattre un apsen ou d’autres bois dur qu’au bout 25 à 70 ans au Canada. Résultat la productivité à l’hectare au Brésil est inégalée dans le monde : 42 m3 de bois par hectare et par an contre 13 en Australie, 13 au Portugal ou encore 5 en Finlande. Sur les trente dernières années, la productivité par hectare d’Aracruz aurait ainsi presque doublée. Elle pourrait encore s’améliorer grâce à l’utilisation de nouveaux clones d’Eucalyptus à la croissance plus rapide et grâce au développement de forêt dans l’Etat de Bahia aux sols les plus fertiles du monde. Rajoutons enfin l’excellence de la production, des coûts de produits chimiques bas, des zones de production larges permettant des économies d’échelle ou encore des frais de transport faibles du fait de la proximité des zones plantées et de l’utilisation de plus en plus importante de barges. Ainsi la substitution de camions (encore 100% des moyens de transports dans les années 1990) par des barges (jusqu’à 35% des moyens prévus pour 2006) représentant à chaque voyage l’équivalent de 100 camions, pourrait permettre encore une nouvelle réduction de coûts (peut être 5$ par tonne).
Tout ceci explique donc un niveau de profitabilité record (une marge brute d’exploitation de 51% en 2005 !) quand ses concurrents nord-américains sont pour certains en perte.
L’entreprise par elle-même a dégagé 1,34 milliards de dollar de chiffre d’affaires l’année dernière pour un résultat net de 340 millions de dollar. Aracruz a produit 2,786 millions de tonnes de pulpe, ne comptabilisant la hausse de production sur l’un de ses trois sites qu’à hauteur des quelques mois de mise en service.
La dette est importante (1,14 milliards de dollar) dont 83% en dollar, mais est à la mesure de ses cash flows importants. En terme de géographie des ventes, son premier marché reste l’Europe (39% du chiffre d’affaires) friand d’Eucalyptus, suivie de l’Amérique du Nord (33%) puis de l’Asie (26%).
Le groupe possède une forêt très importante ; ses terres plantées sont de l’ordre de 260 000 hectare auquel il faut rajouter 139 000 hectares de terres dites natives (l’Etat oblige pour chaque hectare d’Eucalyptus planté de conserver à côté 0,25 ha de forêt endémique), et 80 000 hectares de forêts appartenant à des partenaires mais gérées pour le compte du groupe.
Le groupe a dorénavant une capacité de production de 3 millions de tonnes par an répartie entre 3 sites de taille et de coûts de production différents : dans l’Etat de l’Espirito Santo, le groupe a une usine géante (2,1 millions de tonne par an) avec trois lignes de production dont la dernière est montée en puissance ces dernières années. Autour, l’usine s’approvisionne à environ 200km de distances en moyenne de bois à partir de 210 000 de forêt. Ce site pourrait encore améliorer son rendement grâce à la substitution de bois acheté souvent 50% plus cher par du bois produit en interne. Le deuxième site de production est situé dans le Rio Grande. Il est de plus petite taille (seulement 400 000 tonnes par an) et est relié à une forêt de 42 000 hectares. Le dernier site est une joint venture avec le finlandais Stora Enso pour une production de 900 000 tonnes par an (en l’état actuel) et profitant d’une forêt extrêmement productive de 78 000ha et située à seulement 50km de moyennes. C’est le site de production de pulpe d’Eucalyptus aux plus bas coûts du monde (peut être encore 25$ de moins par tonne que la moyenne du groupe) pour une productivité record (47 m3 de bois par ha par an).
Les perspectives du groupe sont bonnes. Le coût de production devrait encore baisser par l’approvisionnement unique des usines en bois produit en interne, par l’utilisation de nouveaux clones et l’utilisation massive de barges. Du côté de la demande, le prix de la pulpe d’Eucalyptus pourrait se maintenir à des niveaux élevés du fait de la consommation asiatique en forte hausse. On prévoit globalement une hausse de la demande sur les trois prochaines années de 3 millions de tonne et une hausse des capacités de 5,8 millions de tonnes. Mais pour le moment on observe surtout des délais dans la mise en place de nouvelles capacités et des retraits de capacité dans le bois dur. Le groupe continue d’investir en nouvelles capacités, privilégiant des ajouts ponctuels et des dégoulotages. Sur les 3 prochaines années, il pourrait encore rajouter environ 400 000 tonnes en plus.
Reste peut être des risques politiques ; les relations avec l’Etat de l’Espirito Santo restaient il y a encore peu tendues et le groupe subit régulièrement l’invasion de ses terres par des prétendus indigènes (plus politisés et métisses qu’indiens) réclamant une redistribution des terres en leur faveur.
L’entreprise s’analyse comme une Utility, produisant beaucoup de cash et distribuant un fort dividende. Reste qu’à plus de 5 milliards dollar de capitalisation boursière et pour une valeur d’entreprise qui représente plus de 4 fois sont chiffre d’affaires, Aracruz est très cher alors que l’on ne prévoit pas de bond de ses résultats du fait de besoin en investissement importants. Reste aussi que j’ai du mal à considérer une entreprise dont les droits de vote (le tiers des actions) sont détenus à 96% par les 4 actionnaires principaux et dont ses trois principaux clients représentent (Procter, Kimberley Clark) représentent 54% de ses ventes. C’est donc une valeur à mettre de côté mais dont la profitabilité attire l’œil.
Pas de problème. Désolé pour la réponse très tardive.
Rédigé par : villeneuve | mardi 08 janvier 2008 à 12:39
Bonjour
Je suis etudiant en fin de formation a l'universite de Brazzaville et je passe un stage de fin de formation sur la comparaison de la productivite (m3/ha/an) de certains clones d'Eucalyptus urophylla*E. grandis mis au point au Congo.
Cet article sur:" Aracruz, leader dans un secteur meconnu" m'a interesser et je souhaitais citer cet article comme reference pour comparer la productivite (m3/ha/an) des clones de mon etudes a celle obtenue dans le monde notamment aux Bresil et dans d'autres pays.
En attendant une suite favorable, je vous prie de recevoir l'expression de mes sentiments distinguees
Rédigé par : Mialoundama Gilles Freddy | jeudi 19 juillet 2007 à 08:36