Préambule :
J’ai rencontré GOL à Sao Paulo. Gol est la compagnie aérienne qui monte au Brésil. Mais avant d’exposer l’entreprise, je désirerais introduire le secteur aérien au Brésil et expliquer ce qu’est une compagnie à bas prix (en anglais Low cost).
Le secteur aérien au Brésil :
Il y a 727 aéroports publics au Brésil qui représentent 97% du trafic aérien du pays et sont contrôlés par des entités publiques. Les deux aéroports de Sao Paulo concentrent à eux seuls presque le tiers du trafic domestique et recueille près des deux tiers des passagers sur les vols internationaux. Le pays est gigantesque, les grandes métropoles sont nombreuses et éloignées les unes des autres ; ce qui laisse un fort potentiel de développement important.
Le trafic aérien au Brésil est pourtant encore peu développé. Le marché domestique représente 36 millions de passagers pour une population de 185 millions d’habitant –mais dont nous dirons qu’uniquement 140 millions sont économiquement « viables ». En somme, le trafic passager ne représente que 20% de la population du pays contre 240% aux Etats unis ! Pour tout dire 80% des brésiliens n’ont jamais pris l’avion. Pourtant les habitants voyagent sur de longues distances (les transports en bus longue distance entre états ont représentés 136 millions de passagers l’année 2004) et paient pour cela des sommes importantes. Un trajet de 1000 km peut ainsi coûter l’équivalent de 60 à 70$. Donc il y a des consommateurs et l’offre commence à s’améliorer. Dès lors le marché est en plein essor.
Sur les 10 dernières années, la croissance du trafic était de près de 10%/an. Malgré un petit passage à vide suite à la fausse récession économique de 2001, la croissance a repris de plus belle. En 2004, la croissance a été de 12%, plus encore l’année suivante et sur les 6 derniers mois, le trafic croit à près de 20%. Pourtant le manque d’investissement dans les infrastructures persiste et le secteur ne bénéficie toujours pas d’un schéma directeur clair (à propos du régime d’importations de pièces détachées, à propos de la situation fiscale des compagnies aériennes…).
La concurrence a fortement évolué et malgré de nombreuses faillites, la situation de plusieurs compagnies reste précaire. Ainsi le transporteur brésilien historique, Varig, a été au bord du dépôt de bilan en 2003. Le groupe cumule toute les erreurs entre un surendettement, une flotte trop diversifiée et des coûts élevés. Varig bénéficie temporairement de l’accord de partage de code avec son concurrent TAM, mais les restructurations tardent et l’entreprise détenue par ses employés joue la politique du pire en vue des élections présidentielles d’octobre. TAM, l’une des trois grandes compagnies aériennes du pays, est dans une situation bien meilleure. Après des début comme taxi aérien dans les années 80, le groupe est devenu un transporteur intégré. Certes la compagnie est passée par des restructurations importantes il y a peu (réduction de coût, suppression de la business class sur les vols intérieurs et accroissement de l’utilisation des avions), mais elle est dorénavant profitable. Reste enfin la championne, GOL que nous allons présenter par la suite. A ces trois grandes entreprises, il faudrait rajouter les nombreuses compagnies régionales, mais dont la taille reste encore petite et qui ont peu de chance de pénétrer les vols gros porteurs.
Globalement, les parts de marché ont fortement évolué depuis 4 ans.
En 2002, Varig était leader avec plus de 39% suivie de TAM (35%) et de la récente GOL (12%).
Au début 2006, TAM était passé leader (44%) talloné par GOL (29%) et face à un Varig en net retrait (moins de 20%).
Qu’est ce qu’une compagnie à bas prix ?
Pour ceux qui n’ont jamais voyagé sur Ryanair, une brève explication peut s’avérer utile ; une compagnie à bas prix (ce que les irlandais appellent low cost, low fare airlines) fonctionne sur 4 grands axes.
Premièrement, l’entreprise ne propose pas de « chichis » (no frills), c’est à dire que les billets sont réutilisables, il n’y a pas de snack à bord ou encore de numéro attitrés. Deuxièmement, la rotation des avions est accélérée (le temps entre l’atterrissage et le décollage est quelquefois deux fois plus rapide pour les compagnies à bas prix par rapport aux compagnies traditionnelles) profitant du faible engorgement d’aéroports secondaires et de la simplicité de gestion de leur flotte aérienne. Les compagnies ne proposent que des vols directs et pas de connexions.
Troisièmement la politique tarifaire favorise le paiement des billets très en amont du vol. Le prix qui est très bas quelques mois auparavant pour attirer une clientèle nouvelle (étudiants…) monte à mesure du taux de remplissage. Les low costs ne paient pas de commission aux agences de voyage et ont une part très importante de leur billets achetés sur Internet. Dernièrement, tous les coûts sont réduits aux maximum ; les appareils sont achetés à bas prix grâce à des achats de grande taille, la flotte est très moderne et consomme peu de kérosène- elle est aussi composée d’un seul type d’appareil qui permet de réduire les frais de maintenance- les locaux sont à faible facture ou encore la publicité est souvent prise en charge par les nouveaux aéroports desservis.
Ces différents ingrédients expliquent la capacité des compagnies aériennes à supporter des coûts faibles et proposer des prix très attractifs qui leur permettent enfin de croître rapidement.
GOL n’est finalement ni une compagnie à bas prix ni une compagnie aérienne classique, mais plutôt un hybride.
D’un côté, la compagnie partage beaucoup avec les transporteurs classiques : elle propose par exemple des snacks à bord même si ce sont des encas froids qui ne sont chargés qu’une fois dans la journée. Un de ses systèmes de réservation, GDS est aussi semblable et aussi coûteux. La compagnie reverse aussi un pourcentage de ses ventes (7 à 12%) aux agents de voyage. Car en effet, les deux tiers de ses ventes sont indirectes (par des agences) pour le compte principalement d’une clientèle d’affaire (62% des clients) plutôt que de loisir. Nombreux sont les clients qui réalisent des connexions (50% des passagers). Malgré leur capacité à faire croître fortement le trafic sur certains aéroports (sur l’aéroport de Florianopolis le trafic a ainsi cru de 67% suite à l’entrée de GOL), GOL ne bénéficie pas de subventions de la part de ces aéroports publics. Enfin, GOL à l’instar des compagnies aériennes classiques proposent aussi des services de fret (le cargo représente 5% de son chiffre d’affaires).
D’un autre côté, l’entreprise brésilienne a copié certains points forts des compagnies low costs ; elle réalise des achats en gros qui permettent de réduire le prix unitaire des avions acquis. Un seul type d’appareil, le Boeing 737 est utilisé, ce qui simplifie la gestion du réseau et de la maintenance. Le système de réservation est généralement assez proche d’une compagnie comme Ryanair favorisant les réservations peu coûteuses par Internet. Enfin la rotation des appareils est très rapide. Un avion de GOL ne prend que 25 minutes entre son atterrissage et son décollage. Même Ryanair est bluffé par ce record mondial.
Enfin, le groupe a développé quelques originalités : il a par exemple lancé les vols de nuits qui permettent d’attirer une clientèle plus pauvre et de faire tourner des avions plus longtemps. Les taux de remplissage sont très forts (entre 90 et 100%) et les avions sont mieux amortis. Ainsi un Boeing de GOL vole 14,2 heures par jour contre 8,9 pour Ryanair. De plus, plutôt que de donner des prix absolus, le groupe profite d’un trafic aérien en forte croissance et fixe ses prix de telle façon à être toujours 25% moins cher que la concurrence.
Conclusion ; GOL a un coût par passager kilomètre (ASK dit on dans le jargon aéronautique) très bas : 6,9 centimes mais 8,5 pour TAM et 14,4 pour Varig. Son prix moyen est élevé (quasiment deux fois plus que Ryanair par exemple) à près de 211 reals (100$) mais inférieur à ses concurrents brésiliens (entre 270 et 280 reals pour Varig et TAM). Résultat sa marge est presque aussi élevée que Ryanair (ses coûts ne représentent que 77,5% de ses ventes contre plus de 89% pour son concurrent brésilien le plus proche) mais comme ses prix sont supérieurs, le groupe dégage un profit plus élevé ; près de 7,7 millions de dollar par appareil contre 5,4 pour Ryanair. Cette profusion de chiffre est nécessaire pour vous prouver que l’entreprise brésilienne est une excellente entreprise qui se compare sans difficulté aux meilleurs mondiaux du secteur aérien.
Présentation de GOL :
L’entreprise qui est majoritairement détenue par la famille fondatrice (70%) a transporté en 2005 près de 13 millions de passagers (en hausse de 41% par rapport à 2004). Elle a réalisé un chiffre d’affaires de presque 2,7 milliards de reals et une marge nette de plus de 19%. Des chiffres impressionnants d’autant plus que GOL est passé de 27 à 42 appareils sur la période tout en améliorant son taux moyen de remplissage (73,5%). Pas mal pour une entreprise qui ne réalisait que 230 millions de reals de chiffre d’affaires en 2001 !
En 2005, les coûts par passager kilomètre malgré la hausse du kérosène (+17% dans les comptes) ont encore légèrement baissé (-1,3%). Par ASK, les salaires ont baissé de 5%, les loyers de 18% grâce à une meilleure utilisation des avions, les frais de ventes de plus de 14% grâce à la hausse des ventes par Internet et les frais de maintenance de près de 29%. Le modèle fonctionne donc bien et cela semble continuer.
Sur le dernier trimestre publié, les capacités ont cru de 50%, le coefficient de remplissage a atteint un record de 75,9%, le chiffre d’affaires a cru de 57%, le résultat net de 50% et la part de marché de GOL s’est inscrite à 35%. Le groupe a même profité d’une hausse de 10% de son prix moyen.
La situation financière du groupe est très bonne car GOL s’est financé en premier lieu par augmentation de capital. En effet avec des taux d’intérêts de référence variant entre 14 et 23% ces dernières années, le financement par dette restait onéreux. Résultat, la dette est très faible et le groupe conserve près de 800 millions de reals de cash et d’investissement à court terme. De plus, sur ses 5 années de développement, le groupe a préféré le financement par lease plutôt que l’achat direct. Dorénavant, avec une bonne notation financière, le transporteur s’est permis d’émettre de la dette : soit auprès d’institutions financières (un prêt de 50 millions de dollar à Libor + 1,9% auprès de la banque mondiale), soit sur le marché avec une obligation perpétuelle record de 200 millions de dollar à un taux très bas pour une entreprise brésilienne (seulement 8,75%) !
Quelles perspectives dorénavant ?
Les coûts de l’entreprise devraient continuer à baisser. Le groupe remplace ses vieux 737-300 par des 737-800. Traduction, on rajoute plus de capacité par appareil sur des avions plus récents moins consommateurs de kérosène. Et cela à un prix d’achat record pour les 101 avions commandés chez Boeing, sur lesquels les remises ont peut être été de 40% sur les prix affichés par l’avionneur. De plus, GOL construit un centre de maintenance propre qui lui permettra de réaliser sa maintenance d’appareils en interne et de réduire ce poste de 2 millions de dollar par an d’ici 2 ans.
Du côté de la demande, le groupe accélère son développement sur l’ensemble de l’Amérique du sud (Buenos Aires, Montevideo…) profitant du retrait d’autres opérateurs. Au Brésil, le challenge du groupe est de prendre en parts de marché sur le transport par bus, dans un pays où les habitudes sont fortes et où les cartes de crédit sont encore très peu développés.
Dans le cadre actuel d’une forte hausse du trafic aérien, la croissance du groupe se fait facilement tout en maintenant des marges élevées. A long terme par contre, la politique de prix devra être revue pour maintenir une forte croissance. Mais GOL a de quoi voir venir et la capacité à encore baisser ses coûts (enlever les snacks à bord, supprimer le système de réservation GDS, développer ses revenus annexes grâce à son site internet..) et augmenter son revenue.
En somme GOL est un modèle hybride de compagnie à bas prix qui profite de l’envolée du trafic aérien au Brésil et dont les risques de concurrence à terme sont faibles.
L'entreprise (relations investisseurs), elle même et citigroup.
Rédigé par : villeneuve | mardi 08 janvier 2008 à 12:43
bonjour Monsieur,
Etudiante à l'Institut des hautes Etudes de l'Amérique Latine à la Sorbonne, j'aurais aimé connaître les sources de vos informations qui m'intéressent grandement!
Merci bien,
Melle Angela PEREIRA
Rédigé par : PEREIRA | lundi 19 novembre 2007 à 19:53