Introduction sur le secteur de la téléphonie au Brésil :
Dans la téléphonie fixe, le Brésil avec un chiffre d’affaires de près de 23 milliards d’euro en 2005, est le plus gros marché d’Amérique du sud. Le secteur, malgré la concurrence de plus en plus forte de la téléphonie mobile continue de progresser ; il y avait ainsi 39,6 millions de lignes téléphoniques au Brésil en 2005, contre 25 millions en 1999.
L’année 1998 a été le début de la forte croissance du secteur, suite à au démantèlement et à la privatisation de l’opérateur national, Telebras. Les services téléphoniques ont été ensuite répartis entre 3 concessionnaires régionaux pour les communications locales et un concessionnaire pour les appels longue distance. Les contrats se terminaient au début 2006 mais ont été renégociés pour les 20 prochaines années. Le seul changement important intervenu depuis est l’autorisation de licences à 44 opérateurs alternatifs (dont 21 actifs).
Le marché est réparti entre Télémar (17 millions de lignes), présent dans le centre et le Nord du pays et dont le capital est contrôlé à 25% par l’organisme public BNDES ; puis Telefonica, l’opérateur espagnol (13,2 millions de lignes), dominant dans l’Etat de Sao Paulo ; Brasil Telecom (10,8 millions) présent dans le sud et qui pourrait intéresser le groupe TIM étudié ultérieurement ; Embratel (la propriété de Telmex) qui conserve un monopole de fait dans les appels longue distance et internationaux. Reste enfin quelques opérateurs alternatifs (Vesper, GVT, Intelig) qui tentent d’émerger avec difficultés.
Dans la téléphonie mobile, la concurrence est beaucoup plus forte. Le secteur représentait 91,8 millions de clients à mi 2006 (+21%), soit le 5ème plus gros marché mondial et de loin le premier en Amérique du sud. L’ouverture de ce marché a permis une forte hausse des investissements (près de 3 milliards d’€ par an), l’abaissement des prix des communications parallèlement au développement d’une production domestique (en 2005, 65 millions de portables l’ont été au Brésil, pour la moitié exporté et qui représentait 8,6% de la production mondiale). La création d’une autorité de régulation transparente, l’Anatel, et la division du pays en 3 grandes zones de télécommunications, a permis l’instauration d’une concurrence forte dans le secteur avec près de 3 à 4 opérateurs par zone.
Plusieurs grands opérateurs dominent : en premier lieu, Tico qui appartient à une joint-venture entre Telefonica et Portugal Telecom et qui est présent dans 19 états au Brésil. C’est le leader avec 29,8 millions de clients et 34,1% de parts de marché début 2005. Il opère encore en TDMA même s’il se développe aujourd’hui dans la norme CDMA. Vient en deuxième lieu, TIM, provenant aussi du démantèlement de Telebras auquel s’ajoute des lignes GSM développé en propre. C’est aujourd’hui encore, le seul opérateur couvrant l’intégralité du territoire national. Le groupe revendiquait 23,4% de parts de marché. Puis arrive Claro, une filiale d’American Moviles, lui aussi travaillant en norme TDMA et GSM mais dont la couverture est plus limitée (il n’est pas présent dans la zone amazonienne). L’entreprise aurait 18,7 millions de clients et près de 21,6% de parts de marché. C’est le plus agressif sur le marché national. Le dernier grand acteur est Oi, qui n’opère que depuis 2002 mais qui a été le premier à offrir le GSM dans le pays. Il appartient à l’opérateur fixe Telemar et revendique 10,4% de parts de marché. Enfin, il reste quelques opérateurs de moindre importance (Telemig, Amazonia Cellular (5% de parts de marché) et Brasil Telecom GSM dont les débuts d’opération remonte à 2004 et qui ne possède encore que 2 millions de clients).
La particularité du Brésil est de mélanger trois normes différentes. La norme d’origine TDMA, technologiquement dépassée est progressivement remplacée par la norme américaine CDMA (28% de parts de marché) et surtout le GSM européen (dont la part de marché est passée ces 2 dernières années de 14,8% à 52,8%). La 3G reste encore un projet futuriste dont les licences n’ont pas été encore qualifiées- on ne connaît que les bandes- et qui intéresse peu les opérateurs plus préoccupés par la croissance de leur nombre d’abonnés que par la hausse de leur revenu par tête. Le taux de pénétration au Brésil est en fortes progression mais ne représente que 47% de la population contre 26% deux ans plus tôt. Reste que l’avancement est différent suivant les régions ; par exemple le taux de pénétration est de 64% dans l’ Etat le plus au sud du pays (le Rio Grande) et de 36% dans le Nordeste.
TIM au Brésil :
Jusqu’à présent l’opérateur italien Telecom Italie, arrivé au Brésil en 1998, était présent dans le pays à deux niveaux ; d’une part à travers sa filiale à 100% dans l’opérateur TIM Cellular et d’autre part à travers une participation dans TIM participacoes (50% des actions à droit de vote et 4% des actions préférentielles) qui venait de fusionner deux opérateurs locaux, TIM Sul et TIM Nordeste.
Depuis janvier 2006, les filiales ont été réunies en une seule détenue majoritairement par la maison-mère italienne (81% des actions à droit de vote et 64% des actions préférentielles). L’ensemble représente le deuxième opérateur de téléphonie mobile du pays mais est déjà leader dans le GSM.
Autant dire que les deux entités différaient fortement auparavant. TIM Cellular couvrait 70% de la population brésilienne (majoritairement dans le centre du pays), mais son réseau a été entièrement installé par l’opérateur, ce qui a entraîné des investissements élevés et une profitabilité encore basse. TIM Sul et Nordeste, provenait du démantèlement de l’opérateur public mobile Telepar et couvraient comme leur noms l’indiquent, le riche sud du pays (ie la région du Parana) et le pauvre Nord-est, soit environ 24% de la population du pays. Leur réseau est plus vieux et la profitabilité est plus élevée.
Les chiffres manquent sur l’ancienne filiale TIM Cellular qui était non cotée. Le nombre de clients (9,6 millions) était en forte progression à la fin 2005 (plus 4,4 millions de client) mais au détriment d’une très faible profitabilité ; la marge d’excédent brute d’exploitation sur le chiffre d’affaires n’était que d’un petit 5%. Plus encore, le résultat net aurait été une perte de 1,35 milliards de real l’année passée et le groupe subit des frais financiers importants du fait de son endettement élevé (estimé à environ 2,9 milliards de dette nette). Reste qu’en quelques années, l’entreprise a acquis 16,7% de parts de marché sur les zones qui lui sont allouées et construit un réseau entièrement GSM. Notons aussi que son revenu par tête est relativement élevé par rapport à la moyenne nationale (il est de 37,1 reals) mais cela s’explique par une forte exposition sur les régions riches au Brésil (ie Sao Paulo). Il faudra suivre la baisse des investissements de cette filiale, qui devrait passer de 1,8 milliards en 2005 à 1,38 milliards cette année, puis baisser encore les années précédentes. Les marges devraient inversement croître et l’entité dégager enfin des free cash flows.
Sur TIM participacoes, les informations sont plus précises. Cette entité couvre une plus petite région mais y a atteint une part de marché significative : 41,4% pour 7,85 millions de clients. En 2005, TIM participacoes a dégagé un chiffre d’affaires de 3,9 milliards de real, profitant d’un trafic en hausse de 24% et de nouvelles souscriptions ; une marge d’excédent brute de près de 35% et une marge nette de 13,7%. L’entreprise a dégagé près de 140 millions de free cash flow malgré des investissements encore importants : En effet, TIM part favorise la migration de ses clients de son vieux réseau TDMA vers son réseau GSM (qui représentent aujourd’hui 64% des lignes). Au niveau du bilan, TIM part est en situation de trésorerie nette positive pour 1,1 milliards de real. Elle profite d’une baisse des coûts d’acquisition de nouveaux clients, de son recentrage sur une clientèle d’entreprise et de la hausse des revenus à valeur ajouté tel les SMS (+85%, soit 6% du chiffre d’affaires) qui lui permettent d’afficher un revenu par tête (le fameux ARPU) supérieur à la moyenne nationale. On remarque que le groupe gère bien son expansion. Malgré une baisse importante de son revenu par tête (de 36,5 reals en 2004 à 31,3 en 2005), le groupe a maintenu les mêmes marges. C’est donc la perle du groupe TIM au Brésil.
Les deux entreprises réunies dans le nouveau TIM Brésil ne donnent pas de chiffres précis quant à leur performance passée. Consolidé en une entité unique, le groupe aurait réalisé un chiffre d’affaires de 8,4 milliards de reals l’année 2005, une marge d’exploitation brute faible à seulement 18% et un résultat négatif. La dette nette de la nouvelle entité reste importante à 1,9 milliards de reals mais ne serait pas d’un coût trop élevé : la majorité serait détenue par la banque brésilienne du développement (BNDES) pour des taux de l’ordre de 12%. Tout le pari actuel est que la réduction des investissements puisse permettre de dégager suffisamment de free cash flows dans le futur pour rémunérer un petit dividende obligatoire et commencer à rembourser la dette ; ce qui n’est pas encore le cas en ce début d’année.
Sur le premier semestre 2006, la nouvelle entité a dégagé des chiffres relativement bons : Le nombre de client a atteint 22,3 millions (l’objectif est de 25 d’ici la fin de l’année), soit 24,3% de parts de marché dans le pays. Le groupe avec une croissance de 33% de ses clients au deuxième trimestre fait mieux que le marché (+21%). Il profite de sa couverture nationale du pays et de la moindre agressivité de ses concurrents (notamment Claro qui commence à limiter les subventions d’appareils téléphoniques). La marge d’exploitation brute est en très forte hausse à près de 21,5%. Plusieurs points importants sont à noter : d’une part si la part des clients prepaid reste stable (79%), la part de la clientèle d’entreprise (qui représente 70% des nouvelles additions de clients postpaid) est en forte croissance. TIM domine le marché avec près d’un tiers des clients entreprises. Deuxièmement, les services à valeur ajoutée continue leur forte progression (+62%) et représentait sur le premier semestre près de 9% du chiffre d’affaires. Troisièmement, si le revenu par tête ne croit pas, les coûts d’acquisition de nouveaux clients non plus et se stabilisent vers 170 reals par tête. La forte croissance des téléphones multimédia (déjà 37% des lignes sont GPRS) permettrait d’anticiper à terme un relèvement du revenu par tête. Malgré une déception sur le faible niveau de cash au premier semestre, les résultats de TIM apparaissent bons.
Que dire de TIM Brésil ?
1) La simplification de son réseau (près de 90% de sa clientèle devrait être au GSM d’ici 2008), 2) les réductions de coûts liées à la fusion (par exemple la moindre taxation du fait d’une perte accumulé de 5,9 milliards de reals), 3) la forte croissance qui ne se fait plus au détriment de la profitabilité et 4) la chute programmé des investissements (de 2,5 MMR en 2005 à moins d’1,9 cette année) pourraient permettre au nouveau groupe de dégager des free cash flows importants et de commencer à se désendetter. Cela n’a pas été le cas sur le premier semestre, donc il faudra suivre avec attention le cash dégagé par l’entreprise au second.
Le cours du titre évoluera au gré de sa capacité à rembourser sa dette tout en maintenant une forte croissance de ses revenus sans toucher à sa profitabilité. TIM a quelques belles années devant lui profitant d’un réseau national en GSM de qualité et dont les modifications pour le passage à la 3G (principalement dans les logiciels) entraîneront un coût faible. C’est certes l’addition d’un canard boiteux et d’une entreprise performante, mais les managements coopéraient déjà fortement auparavant et l’actionnaire était le même.
Je reste déçu par le manque de transparence du groupe et de clarté de sa stratégie, mais dans un Brésil où les valeurs de matière premières ont connu une très forte croissance ces 3 dernières années, il est aujourd’hui plus intéressant de suivre ces valeurs de consommation.
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